Peut-être, si tu reçois les infos-lettres du RÉDAQ ou si tu as participé au journées sur l’Éducation Autrement, tu as entendu parlé du projet des Apprentis-Sages. Depuis août dernier, ce projet de création d’un centre d’apprentissage libre dans les Basses-Laurentides (ou centre libre d’apprentissage, mais bon là n’est pas le point (nous avions même plusieurs autres terminologies envisagées, c’est que… les noms c’est tellement important!)) s’est terminé. Au départ, pour moi, ça feelait comme l’avortement de ce projet embryon. Mais comme le rappeur Dramatik a dit à son cerveau pour le hacker une fois« pas besoin d’abandonner quoique ce soit, au contraire! Continue de créer librement, continue d’aimer et tu ne perdra jamais.» j’ai choisi de faire la même chose. Parce que les circonstances le voulaient ainsi, le travail pour ouvrir ce centre s’est arreté, du moins au sein de notre équipe. Le temps à découvrir et oeuvrer la bienveillance, l’autogestion et la conscience au sein de cette équipe de travail est un merveilleux cadeau que je me suis offert. Parce que la vie continu, dans le domaine de la création en éducation autrement, nouvellement montréalaise, j’ai eu le plaisir de faciliter à ML jusqu’au triste besoin de devoir fermer les portes en raison de la pandémie. (Juste pour vous dire comment c’est cool ML, nous avons fermé de façon anti-démocratique. Après la troisième assemblé sur le sujet, le vote des jeunes étaient toujours contre la fermeture du centre. Je pense que ça en dit long.)
Pour moi, le projet de contribuer à l’innovation en éducation n’est pas mort. Il est en chrysalide. dans son cocon qui porte un nom que j’affectionne beaucoup.
Sur cette table mise, j’ai envie d’élaborer la raison du nom «Apprenti.e.s Sages». Souvent reçu comme super quétaine, (j’en conviens, c’est vrai que ça sonne quétaine, mais c’est que ça porte aussi tellement de sens) je tiens à expliquer la raison pour laquelle je le chérit tant. D’autant plus, je pense que s’amuser à le décortiquer de façon didactique, rigoureuse et fantaisiste nous permet de s’attarder à tous les impacts que notre conception de lui peut avoir dans nos vie et celle de l’humanité.
Dans Deschooling Society, Illich, a dit « Some words become so flexible that they cease to be usefull». Plus loin sur le spectrum de la perception de la portée des mots, un dit conspirationniste dirait, qu’en fait, cette flexibilité sert peut-être justement une intention très précise. Pour les fans d’Orwell, un écrivain des années 1900, ce partage aura rien de nouveau. Son “Novlangue” a déjà beaucoup dit à ce sujet.
Entre la perte d’utilité d’un mot et l’invention d’autres pour contrôler une société, il y a beaucoup à réfléchir et à faire sur le sens ainsi que sur la dénaturation des mots. Les mots, constituants du langage, sont des symboles qui représentent les pensées, les concepts qui nous permettent d’interagir ensemble. Tant que l’homme communiquera par le langage oral et écrit, il est d’une immense pertinence de prendre le temps de s’interroger sur la compréhension commune des mots et ils sont aussi d’excellents outils d’analyse social. J’en conviens que tout évolu, que cette évolution est naturelle et souhaitable. Cependant, il semble salutaire de comprendre la façon et l’impacte des évolutions et savoir si elle sert un bien ou pas. Ou le bien de qui.
Apprentissage
Le mot apprentissage peut représenter un processus ou un produit. La scolarisation obligatoire, le grand règne de l’école salvatrice, a promu l’apprentissage scolaire, un produit, tellement efficacement, que l’apprentissage processus s’est retrouvé relayé aux oubliettes. L’apprentissage en tant que processus est grosso modo, dans mes mots, un état de modification des connaissances et des aptitudes de l’humain. Cette façon de chérir l’apprentissage est brillamment gardé par les unschoolers et éducateur.rice.s anarchistes de ce monde. Aussi. Étymologiquement, apprentissage veut dire ce qui relève de l’apprenti. Donc, l’apprenti observe, aide et vient qu’à se lancer dans la tentative d’action lorsqu’il se sent prêt (ou que le “maître” le sent prêt). Cela implique qu’il se trouve DANS le milieu duquel relève ce qui devrait être appris. Qu’il est intéressé pour, ou du moins motivé par, apprendre ce qu’il y a à apprendre. Il est par ce fait bien plus enclin à être consentent au travail supposé.
Apprenti.e.s
Les points et le «e» pour ajouter le féminin, c’est de l’écriture inclusive, ou égalitaire, ou grammaire féministe. Il y a tout un débat à découvrir à ce sujet. Tu comprendras que si ici je fais l’éloge de bien utiliser les mots, d’utiliser le pouvoir qu’ils ont pour enseigner et former la matrice, et bien il faut que le nom porte cette marque d’égalité qui est encore à instaurer dans notre société.
Sages
Sage. Ma partie préférée de cette décomposition. Souligner ce petit mot qu’il y a dans le grand, bien que le réel petit mot est la suffixe -age, est à mon avis vital. Pour l’humain intéressé par l’humanité, ou de moins la vie, il semble inévitable de souhaiter que l’être apprenne afin d’atteindre un certain niveau de sagesse. Parce que la sagesse (état comportant des concepts de conscience de soi et des autres, de tempérance, de discernement, de bienveillance, de justice etc..,), ben, c’est elle qui sauvera le monde. Je pense. La sagesse ne dicte pas de règle. Ne contrôle pas. Elle t’amène à être «aware», éthique. Tu ne peux pas te rendre nul part de mal ou de souffrant avec ça, me semble. Et puis, le monde souffre. Grandement. Au sein même des individus, même chez les privilégiés. Collectivement dans la plupart des nations. Il y a des guerres, des famines et des tas d’horreurs qui se passent dans le monde. En plus du Coronavirus. Tu te souviens? Il est très souhaitable que ça change. Aussi. «Sages» délibérément décomposé c’est pour (attention un mot vulgaire arrive) décalisser l’adage «sage comme une image». Je la déteste. C’est pour ouvrir des portes. Aux conversations qui mènent à soulever que l’adulte se croit justifié dans son attente d’obéissance de la part de tous les plus vulnérables que lui. Pour souligner qu’un enfant calme, soumis, obéissant c’est pas un enfant sage. C’est un enfant calme, soumis ou obéissant. Ou aux conversations qui permettent de partager les concepts de reproduction social, de dire que l’école permet pas tant de mobilité que ça et de nommer quelques faits qui entourent les familles qui ont financé l’idéologie occidental de l’école pour tous. Je les nommerai pas ici.
Les mots sont de très puissantes forces de changements. Bien utiliser les mots, (et pour les plus contrôlant, corriger leur mauvaise utilisation) est une façon très efficace d’implanter dans la mémoire collective le sens juste ou multiple d’un concept. Shout out aux Rastas qui ont compris ça depuis longtemps et utilisent les mots à bon escient!
Christine Perry est diplômé en éducation, maman éducatrice, facilitatrice à ML et également membre co-fondatrice du RÉDAQ