Pourquoi je déteste les maths et j’adore la littérature

Depuis l’instant où j’ai manifesté mon intérêt pour être enseignante au collégial, on ne cesse de me répéter que je ne serai pas une bonne professeure si je ne fais pas quatre ans de pédagogie comme tous les futurs enseignants au secondaire le font. Même si je veux défendre mon point et expliquer pourquoi je crois que je serai une excellente enseignante, sans vouloir être prétentieuse, rien n’est valable aux yeux de mes très chers collègues pédagogues. a0241-cheating-on-tests_leader1Les cours obligatoires que je dois suivre en pédagogie dont un stage au Cégep de Chicoutimi en littérature québécoise ne sont valides selon eux que si j’entreprends le baccalauréat en enseignement du français et que, par la suite, je me spécialise en littérature. Seulement, ce n’est pas ce que je veux faire et ce n’est pas non plus la vision que j’ai de l’enseignement ou de l’apprentissage. Pour moi, l’apprentissage est quelque chose qui se fait à deux, il s’agit d’un transfert de connaissances d’une personne à l’autre. Pour l’expliquer davantage, je vais raconter un événement qui m’est personnellement arrivé en tant qu’élève. Voyons pourquoi je déteste les maths et pourquoi j’adore la littérature.

Le traumatisme

Je dois avoir environ sept ans. Madame Sophie, mon enseignante préférée, nous récompense lorsque nous avons une bonne réponse. Vous savez ces petits bonbons rouges en forme de petites boules? Ce sont mes préférés! Et chaque fois que nous avons une bonne réponse, chaque élève de la classe en reçoit deux. Nous ne les mangeons pas tout de suite. Nous les accumulons sur le coin de notre bureau pour, à la fin de la journée, compter qui a le plus de bonbons et savoir ainsi qui est le meilleur de toute la classe en mathématiques. En tout, j’en ai quatre, mais j’en ai mangé un. Lorsque vient mon tour, lors du décompte, personne ne me croit lorsque je leur explique que j’ai eu deux bonnes réponses. Ils croient tous que j’en ai eu seulement une et que Madame Sophie, dont je suis apparemment le « chouchou », m’a donné trois bonbons pour récompenser mes efforts. Par chance, mon petit ami Jasmin me défend. Il a sept ans lui aussi et il est très gentil. C’est lui le meilleur de la classe puisqu’il a eu vingt bonbons. Si mon calcul est bon, il a eu la bonne réponse aux dix numéros. Tout le monde l’aime et tout le monde veut être son ami,  mais c’est mon bureau qui est à côté du sien. Le soir même, ma mère me félicite d’avoir obtenu quatre bonbons parce que la veille, j’en ai seulement eu deux. Elle dit que je m’améliore, ce qui me donne une idée pour le lendemain. Une fois de plus, nous reprenons le concours de mathématiques. Je sais ce que je dois faire pour que ma mère soit fière de moi et pour que mes amis arrêtent de rire, je dois avoir des bonbons, mais je ne suis pas capable, parce que je n’ai jamais les bonnes réponses, mais Jasmin a toujours les bonnes réponses. J’y ai pensé toute la nuit et je crois que c’est ce que je dois faire. C’est ce qu’il y aura de mieux pour tout le monde. Je fais semblant d’écrire sur ma feuille et je regarde ce que Jasmin écrit. Je vois tout alors je retranscris tout. Madame Sophie circule pour corriger les réponses. J’ai tout bon! J’ai tous les bonbons! Mes parents sont contents et plus personne ne rit de moi. Je parviens à utiliser cette technique pendant encore deux longues semaines. Seulement, un matin, Madame Sophie me voit prendre en note la réponse de Jasmin qui, lui, ne savait même pas que je la prenais. Elle est folle de rage et elle dit devant tous mes amis que j’ai triché et que je n’aurai plus jamais aucun bonbon. Elle prend mon bureau, le colle au sien à l’avant de la classe, et me fait recommencer le tout depuis le début. J’ai tout mal. Elle appelle mes parents, qui me punissent aussi. À cause de ces fichus bonbons, j’ai menti à tout le monde, j’ai été humiliée et je déteste les maths pour toujours.

Dans ce court paragraphe, je tente d’expliquer que mon aversion envers les mathématiques me provient d’un événement traumatisant qui a marqué  mon primaire. Cette enseignante, qui voulait nous récompenser pour nos efforts, a créé entre les élèves une compétition qui ne devait pas avoir lieu. En dehors des cours, les élèves qui, comme moi, avaient plus de difficulté dans ces matières techniques, faisaient assurément rire d’eux. À coup sûr, cela a ébranlé ma confiance et m’a fait douter de mes capacités. Les intentions de cette enseignante n’étaient certes pas mauvaises, je ne peux lui en vouloir. Toutefois, j’ai cessé d’étudier les mathématiques dès que cela m’a été possible et je me suis concentrée sur une matière qui me permet davantage de liberté. Je n’ai par contre jamais cessé d’aimer les bonbons.

Marie-Elaine Gignac: Je suis étudiante en troisième année au Baccalauréat en Études littéraires françaises à l’UQAC. Je me spécialise en enseignement pour transmettre ma passion des livres. J’espère inspirer les élèves comme je l’ai été une enseignante.