Ce colloque se voulait, entre autres, la semence enthousiaste du « Manifeste pour une écologie de l’enfance » signé André Stern. Ce dernier nous dit : « Faisons table rase de ce que nous croyions. Partons de l’enfant, laissons-nous emporter par cette enivrante observation, admirons le génie de la nature, le génie de l’enfant, qui en est l’un de ses fruits les plus directs. »
La fin de semaine a commencé en force avec la première américaine du film Alphabet, la peur ou l’amour du cinéaste autrichien Erwin Wagenhofer. Selon son réalisateur, ce film ne se veut ni sur l’éducation, ni sur l’école, ni sur la non-école, mais plutôt sur une nouvelle attitude face à l’enfant. Cela dit, ce documentaire est troublant, percutant, fascinant, viscéral par la démonstration qu’il fait des impacts de la compétition des systèmes éducatifs sur les enfants; prenez deux minutes pour voir la bande-annonce.
Le lendemain matin, Michel Odent a pris la parole en tant que premier conférencier. Il est obstétricien, chercheur, et auteur. Il s’intéresse donc plus particulièrement à l’écologie pré et périnatale de l’enfance. Selon lui, cette phase de la vie est la plus bouleversée depuis les dernières décennies, alors que la science nous dit que c’est une période critique pour le développement de la personne. M. Odent nous invite à aller visiter la banque de données en Santé primale pour savoir où en sont les recherches relativement à des thèmes d’importance majeure tel que les liens établis entre la grossesse et l’hyperactivité, ou la naissance et l’autisme. Il nous dit aussi que le meilleur contexte dans lequel une femme peut accoucher est dans une pièce sombre, avec une seule sage-femme expérimentée qui tricote dans un coin. Tous les éléments de cette phrase peuvent être justifiés scientifiquement.
Lysane Grégoire, fondatrice du groupe MAMAN, a présenté une conférence intitulée « Entre nature et culture ». Elle nomme la violence obstétricale systémique comme une cause féministe contemporaine, ainsi que la tendance à la banalisation de la maltraitance des enfants. Elle aborde également le débat entourant l’instinct maternel se voulant inné, acquis ou absent. Elle nous invite à découvrir le Regroupement Naissance-Renaissance, qui a la responsabilité d’agir comme force de changement social pour l’humanisation de la période périnatale.
Thierry Pardo, chercheur associé au Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté (Centr’ERE, UQAM), a présenté son tout nouvel ouvrage intitulé Une éducation sans école. Ce livre est le résultat de douze années de recherche en sciences de l’éducation. Il y définit une éducation pirate, qui regroupe la transmission de connaissances chez les peuples vernaculaires, l’éco-éducation et la pédagogie de l’ailleurs.
Marike Reid-Gaudet, présidente de l’Association québécoise pour l’éducation à domicile (AQED), a ensuite animé une discussion se basant sur le visionnement du film Alphabet, la veille. Elle a abordé la fonction de l’institution dans la reproduction sociale et la normalisation des individus, ainsi que l’influence de l’industrialisation capitaliste sur les systèmes d’éducation.
Pam Larrichia, heureuse maman de trois enfants qui pratique le «unschooling» est venue livrer un témoignage sur son expérience familiale. Elle a abordé la difficile thématique des jeux vidéos et les peurs qui y sont liées lorsqu’il s’agit de ne pas interférer dans les préférences des enfants. Elle invite les parents à tenter de se plonger dans la perspective de leur enfant, ce qui lui a permis de découvrir que c’était un intérêt pour les histoires qui captivait autant son fils. Pam Larrichia invite les parents à devenir des partenaires de leurs enfants, d’apprendre à mieux les connaitre et de les encourager dans leurs passions. Lors du colloque, elle a lancé la version francophone de son dernier livre : Libre d’apprendre : cinq idées pour vivre le unschooling dans la joie.
Une table ronde sur la place des papas dans l’écologie de l’enfance, regroupant André Stern, Arno Stern, Michel Odent, Édith Chabot et Alain Lafferière, a permis de mettre à jour un fait méconnu relativement à la santé et au comportement du père après l’accouchement. En fait, Michel Odent a profité de cette tribune pour présenter le phénomène voulant que le père soit en période de grande vulnérabilité suite à l’accouchement, et que certains soient en proie à une dépression postpartum masculine. Il semblerait que plus le père est présent durant l’accouchement, plus il risque d’être affecté. C’est pourquoi dans plusieurs sociétés traditionnelles, on occupait le père durant l’accouchement.
Je n’ai malheureusement pas pu assister à la présentation d’Arno Stern « Ni dessin, ni enfantin » sur la Formulation, ni à celle de Charles Caouette intitulée « La qualité de vie de l’enfance au troisième âge ». Je me suis toutefois reprise avec la conférence finale d’André Stern, qui se veut le porte-parole de l’enfance. Celui-ci a rappelé la disposition spontanée de l’enfant vers le vaste monde et la diversité qu’il implique. Il a rappelé que si on ne l’interrompait jamais, un enfant jouerait toute sa vie; il en est la vivante preuve. M. Stern a fait quelques clins d’œil à la neurobiologie et notamment au professeur Gerald Hüther [voir : http://www.youtube.com/watch?v=IGQ9i-xdruc], qui a démontré que l’enthousiasme agit comme un engrais sur le cerveau humain.
Voilà! Un grand merci aux organisateurs! Vivement l’édition 2015!
Joëlle Gaudreau, bachelière en adaptation scolaire, étudie présentement à la maitrise en fondements de l’éducation à l’UQAM. Elle s’intéresse aux avenues éducatives alternatives et, notamment, à l’écoéducation.