Michael a 12 ans. Ce vendredi matin, il veut faire cuire du pain. En se rendant dans la cuisine, il constate que plusieurs assiettes et ustensiles sales ont été laissées sur le comptoir et que des aliments sont pourris depuis plusieurs jours dans le réfrigérateur. Frustré de l’état de la cuisine, il en discute avec certains de ses amis avant de décider de soulever le point lors de la prochaine assemblée. Au cours de cette assemblée, il demande à ce que la communauté s’accorde sur un règlement relatif à l’entretien de la cuisine. Un débat suit. Certains mentionnent que l’état de la cuisine demeure convenable en général. D’autres disent le contraire. Mia, 13 ans, présidente de l’assemblée, doit rappeler certains à l’ordre. Après que tous eurent la chance de partager leur opinion sur le sujet, un premier vote eut lieu et détermina que la communauté considérait en majorité que l’état de la cuisine était problématique. S’en suivirent un autre échange et un deuxième vote qui établit un règlement pour le nettoyage de la cuisine.
Mia et Michael fréquentent une des six écoles démocratiques canadiennes avec une trentaine d’autres élèves âgés entre 11 et 15 ans. Dans ce type d’écoles, les jeunes ne sont pas divisés en niveaux, il n’y a pas de cloches ou d’heures de diner et les jeunes peuvent décider s’ils vont en classe ou pas et dans quelles classes ils vont. Pourquoi toute cette liberté ? Qu’est-ce qu’une démocratie sans liberté ? Dans le cadre de cette école, la discipline et l’ordre sont décidés au cours d’assemblées démocratiques lors desquelles tant les adultes que les jeunes ont chacun un vote égal pour chaque décision à prendre. Pendant ces assemblées, ils décident également des activités de l’école et de la résolution de conflits. Au cours de l’année, les assemblées de l’école de Michael et de Mia ont discuté et débattu de problématiques telles que l’accueil d’animaux domestiques dans l’école, l’utilisation des ordinateurs, et une levée de fonds pour venir en aide à Haïti.
Que font les jeunes de leurs journées dans ce genre d’école ? Pour ce qui est de Michael, lorsqu’il n’est pas à une assemblée ou dans la cuisine, il aime lire des livres de philosophie, jouer aux échecs et assister aux cours de langues, de sciences et d’éducation physique. Quant à Mia, elle aime également assister aux cours de langues, elle aime parler avec ces amis et avec les enseignants, et elle aime lire des romans et participer aux cours de musique.
Les écoles démocratiques offrent une façon unique d’enseigner la citoyenneté et la démocratie dans un contexte où les jeunes peuvent être engagés dans des processus démocratiques. Au cours de débats lors desquels les élèves bénéficient de leur liberté d’expression, ils peuvent développer leur esprit critique. Par ailleurs, non seulement cet environnement les prépare à une future participation citoyenne, il leur permet déjà d’être inclus dans l’espace démocratique.
Au cours d’une recherche académique, nombre d’élèves de l’école de Michael et de Mia ont affirmé, que lors de leurs premières assemblées, ils étaient trop gênés pour prendre la parole et qu’ils ont rapidement développé la confiance pour partager leur opinion à tous et pour ajouter des points de discussion à l’agenda des assemblées. La plupart ont également mentionné que, lors des premières assemblées, ils votaient comme leurs amis et désormais, ils votaient pour ce qu’ils croyaient être justes et adéquats. Certaines de ces écoles accordent tellement d’importance à la citoyenneté que la seule condition pour obtenir un diplôme est qu’un élève puisse défendre une thèse devant toute leur communauté ; qu’il explique pourquoi il/elle pense être prêt/e à être un/e citoyen/ne responsable.
Des écoles démocratiques pourraient être une voie à explorer pour solidifier l’état de la démocratie au Québec et pour introduire les jeunes aux rudiments de cette forme d’association collective. Les opposants à ce genre d’écoles diront que les enfants sont trop jeunes pour prendre des décisions qui affectent leur école ou qu’ils ne sont pas assez responsables pour décider d’aller en classe ou pas. Or, comment responsabiliser les jeunes sans leur donner ce type de responsabilités inhérentes au bon fonctionnement d’une démocratie ?
Marc-Alexandre Prud’homme est le fondateur du RÉDAQ. Il enseigne à temps partiel à Compass à Ottawa et travaille comme chargé de cours à l’UQAC.