Actualités :
- L’adaptation en éducation vue autrement: Un aperçu du colloque «L’écologie de l’enfance», par J.Gaudreau
- Mes élèves ont décidé pour qui j’allais voter, par M-A Prud’homme
- Une réponse du RÉPAQ à 30 vies
- Une autre journée, une autre fusillade dans une école, par M-A Prud’homme
Recueil de ressources virtuelles de mesures sanitaires
Visites d’écoles démocratiques :
- La Paideia, par JS Voghel
- Naestved Fri Skole par JS Voghel
- Roskilde Sudbury Skole par JS Voghel
- L’école alternative de mes enfants, par C. Mahn
- Un petit pas contre l’homophobie dans un cours d’actualité à Compass, Par Leah, Nick, Navine, Lorrick et Marc
- Une première visite dans une école démocratique (1ère partie) , par M-A Prud’homme
Éditoriaux :
- La démocratie à l’école, par M-A Prud’homme
- Conservatisme scolaire, par J. Godin
- À qui appartient le présent?, poeme, par J. Godin
- Effectivement, comme un accident de voiture…, par E. Doyon
- L’acronyme revu, par E. Doyon
- Enfant « hyperactif » ou enfant « normalement actif »? , par E. Unetelle
- Pour ne plus sacrifier sa relation avec son enfant au nom de l’école, par M-A Prud’homme
- Simon ou le désir d’apprendre, par E. Unetelle
- À quoi sert l’école?, par E. Doyon
- Pourquoi je déteste les maths et j’adore la littérature, Par M-E Gignac
- Pourquoi l’école ressemble à la prison, par Ana
- Éducation libre et démocratique en Europe par JS Voghel
- Expérimentation de l’enseignement sans manuel ni examen, par M-A Prud’homme
- Les Apprenti.e.s Sages en chrysalide, par C. Perry
Consignes du RQ-ACA
https://rq-aca.org/2020/03/16/
- Montréal, 16 mars 2020 – En raison des mesures d’urgence prévues pour limiter la propagation du COVID-19, le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA) tient à offrir quelques consignes aux organismes communautaires afin de les soutenir face à cette crise. Dans ce contexte d’urgence nationale sans précédent décrétée par le gouvernement du Québec, le RQ-ACA rappelle qu’il est important de maintenir le cap, comme organismes communautaires, sur nos valeurs d’entraide. Nous encourageons donc les organismes communautaires à adapter leurs milieux de travail, à adapter leurs activités et à faire preuve de solidarité, de flexibilité et de bienveillance envers les travailleurs et travailleuses ainsi qu’envers les personnes que nous soutenons au quotidien.
[…]
Concernant le milieu de travail :- Le télétravail est à prioriser lorsque possible. Nous encourageons les organismes à faire preuve de souplesse envers les parents afin que ceux-ci puissent s’occuper de leurs enfants sans être pénalisés.
- Lorsque le télétravail n’est pas possible, par exemple les milieux d’hébergement ou les banques alimentaires :
- Évaluer si certain·ne·s travailleurs·
euses peuvent faire du télétravail, par exemple les directions, le personnel administratif ou autres - Éviter les activités de groupe
- Mettre en place les procédures de prévention de la santé publique. Par exemple, se laver les mains pendant 20 secondes, garder une distance d’un mètre, tousser dans son coude, éviter les contacts (mains, accolades), etc.
- Évaluer si certain·ne·s travailleurs·
Concernant le maintien des services et activités :
Activités de groupe
- Il est recommandé de respecter les consignes du gouvernement de suspendre, d’annuler ou de reporter les évènements, formations et activités de groupe
- Les organismes sont encouragés à adapter, dans la mesure du possible, leurs activités régulières. Par exemple : tenir les formations, des AGA ou des réunions sur le web, faire des suivis par téléphone, etc.
[…]
- Les organismes sont encouragés à adapter, dans la mesure du possible, leurs activités régulières. Par exemple : tenir les formations, des AGA ou des réunions sur le web, faire des suivis par téléphone, etc.
Concernant les personnes que nous soutenons :
Les personnes que nous soutenons au quotidien auront besoin de contact humain afin de partager leur inquiétude et de ne pas se plonger dans l’isolement. C’est pourquoi nous recommandons de maintenir une communication régulière avec eux et elles par téléphone, courriel ou d’autres moyens. Dans un contexte de crise, il est important de mettre les gens en confiance, de les informer de l’évolution de la situation dans votre organisme, de répondre à leurs questions et de les référer aux ressources gouvernementales appropriées sur toutes questions concernant le COVID-19.
Conseils aux organismes ACA (CTROC)
http://ctroc.org/wp-content/
Obligations relatives à la vie démocratique des organismes communautaires autonomes (ROC03)
https://riocm.org/wp-content/
Ressources pour soutenir les organismes (CDEACF)
http://cdeacf.ca/covid19
TNCDC
http://www.tncdc.com/covid-19/
Situation du coronavirus (COVID-19) au Québec
Situation au Québec
L’Organisation mondiale de la Santé a officiellement déclaré le statut de pandémie pour la COVID-19.
Au Québec, pour le moment, la propagation du coronavirus (COVID‑19) est sous contrôle, mais les présentes semaines sont critiques. Il y a désormais de la transmission communautaire du virus dans toutes les régions du Québec.
Le gouvernement prend donc toutes les mesures nécessaires pour freiner le plus possible la contagion.
Au Canada, la COVID-19 représente une menace grave pour la santé et la situation évolue quotidiennement. Le risque variera à l’intérieur d’une même communauté et d’une communauté à l’autre, mais étant donné le nombre grandissant de cas au Canada, le risque que courent les Canadiens est considéré comme élevé.
Décret 223-2020 déclarant la suspension de toute activité effectuée en milieu de travail jugé non prioritaire
Stratégie de déconfinement au Québec : projections
https://www.inspq.qc.ca/covid-
Rassemblements dans le contexte de la COVID-19
Afin de protéger la population, les rassemblements intérieurs et extérieurs sont désormais interdits par le gouvernement du Québec.
Cette interdiction s’applique à tous les rassemblements intérieurs et extérieurs, à l’exception de rassemblements :
- requis dans un milieu de travail qui n’est pas visé par une suspension du gouvernement du Québec, à condition que les employés maintiennent, dans la mesure du possible, une distance minimale de deux mètres entre eux;
- dans un lieu public visant à obtenir un service ou un bien (commerces, services gouvernementaux, etc.) qui n’est pas visé par une suspension du gouvernement du Québec, à condition que les clients maintiennent, dans la mesure du possible, une distance minimale de deux mètres entre eux;
- dans un moyen de transport, à condition que les usagers maintiennent, dans la mesure du possible, une distance minimale de deux mètres entre eux;
- réunissant des occupants dans une résidence privée ou dans ce qui en tient lieu, et toute autre personne leur offrant un service ou dont le soutien est requis. Les personnes offrant un service ou apportant un soutien doivent maintenir, dans la mesure du possible, une distance minimale de deux mètres avec les occupants.
Les rassemblements extérieurs sont permis lorsqu’il s’agit des occupants d’une même résidence ou de ce qui en tient lieu, lorsqu’une personne reçoit d’une autre personne un service ou son soutien ou lorsqu’une distance minimale de 2 mètres est maintenue entre les personnes rassemblées.
Pour plus d’information, il est possible de se référer au Décret de renouvellement de l’état d’urgence sanitaire sur tout le territoire québécois (PDF 18,27 Ko).
Mesures de prévention et recommandations : santé et sécurité au travail:
Recommandations pour les établissements
Pour outiller les secteurs offrant des services et activités prioritaires dans la mise en place de mesures de prévention, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a produit différentes recommandations intérimaires. Celles-ci présentent des mesures à appliquer afin de protéger la santé de ceux qui fréquentent ces milieux de travail. Ces documents sont disponibles sur le site de l’INSPQ.
https://www.inspq.qc.ca/covid-
Recommandations intérimaires concernant les organismes communautaires
https://www.inspq.qc.ca/
COVID-19 : Mesures de prévention et de soutien aux employés
Recommandations intérimaires
Afin de protéger la santé de leurs employés et de ceux qui fréquentent le milieu de travail, les employeurs sont encouragés à :
- Favoriser le respect des consignes données aux employés qui doivent s’auto isoler (voir si haut), qui ont des restrictions à respecter (ex : pas d’usage du transport en commun, éviter rassemblements, etc.) ou qui doivent rester à la maison en raison de la fermeture des écoles et garderies, etc., par des mesures d’aménagement du temps de travail (horaire, télétravail, etc.).
- Faire la promotion des mesures d’hygiène des mains et l’application de l’hygiène et de l’étiquette respiratoire en mettant à la disposition des travailleurs le matériel nécessaire (eau courante, savon, solutions hydroalcooliques, poubelles sans contact, mouchoirs jetables, etc.)
- voir section hygiène des mains et hygiène et étiquette respiratoire.
- Favoriser les mesures de distanciation sociale.
- voir section mesures d’éloignement social.
- Assurer un nettoyage régulier et une désinfection plus fréquente des objets touchés fréquemment (poignées de porte, interrupteurs, claviers d’ordinateur, etc.).
- voir section salubrité.
- Disposer d’un plan de lutte contre les infections adapté au contexte spécifique de son milieu de travail et voir à sa mise en application.
- voir section plan de mesures de prévention dans un contexte de pandémie.
- À respecter leurs obligations légales tout comme les travailleurs.
- voir section obligations légales
Hygiène des mains (HDM)
- Se laver les mains fréquemment (lavage à l’eau et au savon ou utilisation d’une solution hydroalcoolique).
- Utiliser des serviettes ou du papier à mains jetables.
- Utiliser des poubelles sans contacts.
- S’assurer qu’un lavabo (idéalement sans contact), de l’eau et du savon sont disponibles.
- Assurer l’accès à des solutions hydroalcooliques.
Se référer au document Notions de base en prévention et contrôle des infections : hygiène des mains disponible au https://www.inspq.qc.ca/
Outils du MSSS disponible au : https://publications.msss.
Hygiène et étiquette respiratoires
- Se couvrir la bouche et le nez lorsque l’on tousse ou éternue, utiliser des mouchoirs ou son coude replié, et se laver ensuite les mains.
- Utiliser de préférence des mouchoirs à usage unique.
- Jeter immédiatement les mouchoirs utilisés à la poubelle.
- Utiliser des poubelles sans contact.
Se référer au document Notions de base en prévention et contrôle des infections : hygiène et étiquette respiratoires disponible au https://www.inspq.qc.ca/
Outils du MSSS disponible au : https://publications.msss.
L’ÉCOLE OUVERTE – Fais ton parcours!
https://www.ecoleouverte.ca/ fr/
Informations générales sur la maladie à coronavirus (COVID-19): https://www.quebec.ca/sante/ problemes-de-sante/a-z/ informations-generales-sur-le- coronavirus/#c53182
Établissements préscolaires, primaires et secondaires dans le contexte de la COVID-19: https://www.quebec.ca/ education/prescolaire- primaire-et-secondaire/ etablissements-scolaires- prescolaires-primaires- secondaires-covid19/
Séquence d’ouverture des établissements scolaires dans le contexte de la COVID-19: https://www.quebec.ca/ education/prescolaire- primaire-et-secondaire/ etablissements-scolaires- prescolaires-primaires- secondaires-covid19/sequence- douverture-des-etablissements- scolaires-dans-le-contexte-de- la-covid-19/
Services de garde éducatifs à l’enfance dans le contexte de la COVID-19: https://www.quebec.ca/famille- et-soutien-aux-personnes/ servicesgardeeducatifsenfance- covid19/
Réduction au minimum des services et activités non prioritaires: https://www.quebec.ca/sante/ problemes-de-sante/a-z/ coronavirus-2019/fermeture- endroits-publics-commerces- services-covid19/
Reprise graduelle des activités en lien avec les mesures de ralentissement de la COVID-19: https://www.quebec.ca/sante/ problemes-de-sante/a-z/ coronavirus-2019/reprise- graduelle-activites-mesures- ralentissement-covid19/
Mesures de sécurité pour les travailleurs et les enfants dans les écoles primaires et les services de garde en contexte de COVID-19: https://www.quebec.ca/ education/prescolaire- primaire-et-secondaire/ etablissements-scolaires- prescolaires-primaires- secondaires-covid19/mesures- de-securite-pour-les- travailleurs-et-les-enfants- dans-les-ecoles-primaires-et- les-services-de-garde-en- contexte-de-covid-19/
Désinfectants pour surfaces dures et désinfectants pour les mains (COVID-19) : Liste de désinfectants pour surfaces dures: https://www.canada.ca/fr/ sante-canada/services/ medicaments-produits-sante/ desinfectants/covid-19/liste. html#tbl1
Les Apprenti.e.s Sages en chrysalide
Peut-être, si tu reçois les infos-lettres du RÉDAQ ou si tu as participé au journées sur l’Éducation Autrement, tu as entendu parlé du projet des Apprentis-Sages. Depuis août dernier, ce projet de création d’un centre d’apprentissage libre dans les Basses-Laurentides (ou centre libre d’apprentissage, mais bon là n’est pas le point (nous avions même plusieurs autres terminologies envisagées, c’est que… les noms c’est tellement important!)) s’est terminé. Au départ, pour moi, ça feelait comme l’avortement de ce projet embryon. Mais comme le rappeur Dramatik a dit à son cerveau pour le hacker une fois« pas besoin d’abandonner quoique ce soit, au contraire! Continue de créer librement, continue d’aimer et tu ne perdra jamais.» j’ai choisi de faire la même chose. Parce que les circonstances le voulaient ainsi, le travail pour ouvrir ce centre s’est arreté, du moins au sein de notre équipe. Le temps à découvrir et oeuvrer la bienveillance, l’autogestion et la conscience au sein de cette équipe de travail est un merveilleux cadeau que je me suis offert. Parce que la vie continu, dans le domaine de la création en éducation autrement, nouvellement montréalaise, j’ai eu le plaisir de faciliter à L jusqu’au triste besoin de devoir fermer les portes en raison de la pandémie. (Juste pour vous dire comment c’est cool ML nous avons fermé de façon anti-démocratique. Après le troisième assemblé sur le sujet, le vote des jeunes étaient toujours contre la fermeture du centre. Je pense que ça en dit long.)
Pour moi, le projet de contribuer à l’innovation en éducation n’est pas mort. Il est en chrysalide. dans son cocon qui porte un nom que j’affectionne beaucoup.
Sur cette table mise, j’ai envie d’élaborer la raison du nom «Apprenti.e.s Sages». Souvent reçu comme super quétaine, (j’en conviens, c’est vrai que ça sonne quétaine, mais c’est que ça porte aussi tellement de sens) je tiens à expliquer la raison pour laquelle je le chérit tant. D’autant plus, je pense que s’amuser à le décortiquer de façon didactique, rigoureuse et fantaisiste nous permet de s’attarder à tous les impacts que notre conception de lui peut avoir dans nos vie et celle de l’humanité.
Dans Deschooling Society, Illich, a dit « Some words become so flexible that they cease to be usefull». Plus loin sur le spectrum de la perception de la portée des mots, un dit conspirationniste dirait, qu’en fait, cette flexibilité sert peut-être justement une intention très précise. Pour les fans d’Orwell, un écrivain des années 1900, ce partage aura rien de nouveau. Son “Novlangue” a déjà beaucoup dit à ce sujet.
Entre la perte d’utilité d’un mot et l’invention d’autres pour contrôler une société, il y a beaucoup à réfléchir et à faire sur le sens ainsi que sur la dénaturation des mots. Les mots, constituants du langage, sont des symboles qui représentent les pensées, les concepts qui nous permettent d’interagir ensemble. Tant que l’homme communiquera par le langage oral et écrit, il est d’une immense pertinence de prendre le temps de s’interroger sur la compréhension commune des mots et ils sont aussi d’excellents outils d’analyse social. J’en conviens que tout évolu, que cette évolution est naturelle et souhaitable. Cependant, il semble salutaire de comprendre la façon et l’impacte des évolutions et savoir si elle sert un bien ou pas. Ou le bien de qui.
Apprentissage
Le mot apprentissage peut représenter un processus ou un produit. La scolarisation obligatoire, le grand règne de l’école salvatrice, a promu l’apprentissage scolaire, un produit, tellement efficacement, que l’apprentissage processus s’est retrouvé relayé aux oubliettes. L’apprentissage en tant que processus est grosso modo, dans mes mots, un état de modification des connaissances et des aptitudes de l’humain. Cette façon de chérir l’apprentissage est brillamment gardé par les unschoolers et éducateur.rice.s anarchistes de ce monde. Aussi. Étymologiquement, apprentissage veut dire ce qui relève de l’apprenti. Donc, l’apprenti observe, aide et vient qu’à se lancer dans la tentative d’action lorsqu’il se sent prêt (ou que le “maître” le sent prêt). Cela implique qu’il se trouve DANS le milieu duquel relève ce qui devrait être appris. Qu’il est intéressé pour, ou du moins motivé par, apprendre ce qu’il y a à apprendre. Il est par ce fait bien plus enclin à être consentent au travail supposé.
Apprenti.e.s
Les points et le «e» pour ajouter le féminin, c’est de l’écriture inclusive, ou égalitaire, ou grammaire féministe. Il y a tout un débat à découvrir à ce sujet. Tu comprendras que si ici je fais l’éloge de bien utiliser les mots, d’utiliser le pouvoir qu’ils ont pour enseigner et former la matrice, et bien il faut que le nom porte cette marque d’égalité qui est encore à instaurer dans notre société.
Sages
Sage. Ma partie préférée de cette décomposition. Souligner ce petit mot qu’il y a dans le grand, bien que le réel petit mot est la suffixe -age, est à mon avis vital. Pour l’humain intéressé par l’humanité, ou de moins la vie, il semble inévitable de souhaiter que l’être apprenne afin d’atteindre un certain niveau de sagesse. Parce que la sagesse (état comportant des concepts de conscience de soi et des autres, de tempérance, de discernement, de bienveillance, de justice etc..,), ben, c’est elle qui sauvera le monde. Je pense. La sagesse ne dicte pas de règle. Ne contrôle pas. Elle t’amène à être «aware», éthique. Tu ne peux pas te rendre nul part de mal ou de souffrant avec ça, me semble. Et puis, le monde souffre. Grandement. Au sein même des individus, même chez les privilégiés. Collectivement dans la plupart des nations. Il y a des guerres, des famines et des tas d’horreurs qui se passent dans le monde. En plus du Coronavirus. Tu te souviens? Il est très souhaitable que ça change. Aussi. «Sages» délibérément décomposé c’est pour (attention un mot vulgaire arrive) décalisser l’adage «sage comme une image». Je la déteste. C’est pour ouvrir des portes. Aux conversations qui mènent à soulever que l’adulte se croit justifié dans son attente d’obéissance de la part de tous les plus vulnérables que lui. Pour souligner qu’un enfant calme, soumis, obéissant c’est pas un enfant sage. C’est un enfant calme, soumis ou obéissant. Ou aux conversations qui permettent de partager les concepts de reproduction social, de dire que l’école permet pas tant de mobilité que ça et de nommer quelques faits qui entourent les familles qui ont financé l’idéologie occidental de l’école pour tous. Je les nommerai pas ici.
Les mots sont de très puissantes forces de changements. Bien utiliser les mots, (et pour les plus contrôlant, corriger leur mauvaise utilisation) est une façon très efficace d’implanter dans la mémoire collective le sens juste ou multiple d’un concept. Shout out aux Rastas qui ont compris ça depuis longtemps et utilisent les mots à bon escient!
Christine Perry est maman éducatrice, facilitatrice à ML et également membre-fondatrice du RÉDAQ.
Order from Chaos: How Children Really Learn
It all began innocently enough one Thursday winter morning. My son, quite spontaneously, asked me if I wanted to play outside with him. I had some work that I was planning to do on the computer that morning, but I decided to put it off until the afternoon.
There was something in Lou’s request that seemed out of the ordinary, special even, beyond the fact that he doesn’t usually run to play outside in the mornings. Intuitively, I felt like it was important that I go outside to play with him. So we suited up in snow pants, boots, and scarves and headed out.
His plan was to go sledding. We live on a hill, so winter transforms our slope into some of the greatest sledding around! Lou grabbed his blue sled, and we started to walk up to the top of the hill. However, as soon as we were halfway up, he dropped the sled and said: “Papa, I think I see Tao’s (our cat) tracks in the snow. Can we follow them?”
When you embark on self-directed learning, you give your child control over how they use their time, and what they want to do (within reasonable limits, of course). Sometimes those decisions will seem strange and sometimes incomprehensible. Self-directed learning forces us as parents to trust our children’s intuition, to trust that they know what they need at any given time. It obliges us to trust that their inherent desire to learn, grow, and master their environments will guide them to do exactly the right thing at any given moment.
Back to our scenario on the hill. If I had been in a different mood, I might have said to Lou, “Why don’t we follow the tracks after sledding?” or “Why don’t we do it later in the day?” (otherwise known as putting it off). However, I decided to follow his impulse and join him on his adventure.
Well, following cat prints around the house led us into the neighbouring forest where the tracks turned into “lynx” tracks, and suddenly we were on a tracking adventure through the woods! Almost two hours later, we returned home after breathing forest air, connecting with a myriad of tree species, eating snow, and drinking from winter streams. A priceless educational experience, but also an invaluable journey in personal growth, self-confidence, and emotional connection.
The main point is this: children don’t learn by turning a switch or having adults “lecture” to them. They learn through play. They learn through the chaos and disorder of their day-to-day experience with life and the things around them.
Andre Stern, perhaps the most famous homeschooled kid ever, learned how to play and build guitars, design engines, and master auto mechanics by the age of 12. He did so because he was given the time and the freedom to pursue whatever interested him in the moment. Of course, Andre Stern had guides and mentors along the way, but the impulse and the drive came from himself, with no one directing him as to what he should be doing.
When we are truly passionate about something and are given the time and freedom to pursue it unabatedly, we learn it fast, and we learn it well. As Boston College psychology professor Dr. Peter Gray puts it:
“Play is how the mind sets and how the soul soars.”
Learning isn’t linear. It’s circular, like the route Lou and I traced in the forest today. For me, giving him the power to make his own learning choices, at his own pace, is the greatest gift I can give him.
Lawrence Lefcort is co-director of Champ Libre , a self-directed learning centre in the picturesque town of Dunham in the Eastern Townships. Lawrence is a freelance writer and Tao Shiatsu therapist and teacher. He believes that by changing the way we raise and educate our children, we can change the world.
La Paideia
J’ai visité l’école la Paideia pendant une semaine à Mérida, une petite ville au sud-ouest de l’Espagne dans une région rurale et pauvre. C’est une école autogérée, qui ne reçoit pas d’argent du gouvernement et qui n’est pas non plus une école privée. Elle existe depuis 1977 et a été créée indépendamment de l’état durant la chute du régime Franco. Elle refuse les visites d’inspecteurs qui viendraient évaluer l’enseignement qui y est donné, l’école ne recevant aucun financement, le gouvernement n’a pas à y mettre son nez. Elle est gérée par un collectif d’adultes et par les enfants selon des valeurs anarchistes et féministes.
L’école est située à l’extrémité d’un développement urbain qui semble abandonné. Des quadrilatères
de rues vides et des lampadaires entourent des terrains vagues. Cet environnement donne un côté hors du temps aux arbres matures et aux deux bâtiments principaux. Le premier accueille une trentaine d’enfants séparées en trois groupes d’âge (3 ans, 4 ans et 5 ans). Il y a 4 enseignants qui se partagent la responsabilité des groupes et ils sont en rotation, l’objectif étant que tous les adultes côtoient tous les enfants régulièrement. Le deuxième bâtiment est pour les élèves de 6 à 14 ans (35 enfants pour 3 adultes)
Une journée à La Paideia
Un autobus fait le tour de la ville le matin et le soir pour transporter les enfants et 2 enseignantes. En arrivant à l’école, les enseignant.es prennent le temps d’accueillir tout le monde avec un bec chaleureux et quelques phrases. Les plus jeunes se dirigent vers leur bâtiment pendant que les enfants à partir de 6 ans ont une tâche soit dans la cuisine, le jardin ou les classes
Les enfants d’âge scolaire sont répartis en trois groupes : median@s, median@s mayore et mayores. Chaque groupe a un local attitré et un horaire hebdomadaire lui est proposé avec des cours/ateliers d’anglais, de sports, de botanique, de musique. Les enfants ont la liberté de ne pas aller aux cours ou en période de travail, mais peu la prennent. Les enfants suivent la communauté parce qu’ils ont un sentiment d’appartenance avec le groupe et sont fiers d’y participer. Les adultes accordent beaucoup d’importance à développer une conscience sociale par la promotion du travail et de la participation dans la communauté. C’est valeurs font contraste avec le caractère plutôt individualiste des philosophies rencontrées dans les autres écoles libres.
Il y a aussi la période de travail intellectuel où c’est un adulte qui est disponible pour répondre aux questions ou enseigner à des petits groupes. Durant ce temps, les jeunes font du travail personnel ou des activités de lecture, d’écriture et de mathématiques. Ils peuvent s’arrêter, se promener et discuter librement tant qu’ils ne dérangent pas le travail des autres. Le type de travail lors de ces périodes est souvent le traditionnel papier-crayon. J’ai vu des exercices de mémoire en géographie, des résolutions de problèmes fictifs en mathématique et des listes de vocabulaire à recopier. Le travail collectif fait aussi partit des activités éducatives de l’école et est vu comme un outil d’émancipation. Lorsque j’ai questionné sur de possibles incohérences entre le travail obligatoire et la liberté, deux jeunes d’environ 11-12 ans m’ont expliqué que ce qui leur permettait d’être libres est leur implication dans le travail collectif, car de cette manière ils apprennent l’autonomie et l’organisation. Autrement, ils resteraient dans une situation de dépendance envers les gens qui s’occupent d’eux.
Du côté des petits, il y a deux activités par jour pour les 5 ans et certaines activités avec les 4 ans.
Elles sont choisies collectivement par les enfants en assemblée et chaque activité dure entre 45 minutes et une heure. Les trois ans font des jeux libres ensemble, parfois animés par l’adulte. Le reste du temps, les enfants sont en jeux libres, le plus souvent à l’extérieur. Lors de mon observation, l’activité était d’enfiler des perles de bois de différentes grosseurs, formes et couleurs. Les éducatrices proposaient de créer des suites logiques avec les formes, les couleurs ou les grosseurs. Par contre, elles n’imposaient pas leur consigne au groupe et plusieurs enfants créaient leurs propres combinaisons et partageaient aussi leur travail. Après une vingtaine de minutes, certains enfants se sont levés et s’agitaient dans la classe en sautant, riant et en faisant tourner leur ficelle comme un lasso. Les éducatrices ne sont pas intervenues et après quelques minutes, les jeunes sont revenus à la table pour continuer l’activité pour encore une trentaine de minutes. Cet épisode est marquant pour moi, car on nous apprenait à l’université que l’attention des jeunes est courte et qu’il faut organiser des activités pas plus longues que 15 minutes au préscolaire, sinon la classe se désorganise. Ces éducatrices ne cherchaient pas à avoir le contrôle de la classe et les jeunes ont prouvé qu’ils sont capables de bouger sans déranger tout le monde lorsqu’ils en ont besoin. Cela les met dans des situations où ils ont l’occasion d’être en contrôle de leur énergie et de porter une attention prolongée à une activité qui les intéresse.
Gouvernance
L’esprit de communauté est très fort à la Paideia et tous s’entendent sur des valeurs communes.
-La liberté individuelle: avec le concept de liberté vient aussi la responsabilité de vivre en groupe et de respecter la liberté individuelle des autres. Cela inclus de faire des tâches afin d’assurer le bien-être de soi-même et des autres: cuisine, ménage, résolution de conflits; tout se fait en collectivité.
-Antiautoritarisme: les décisions sont prises collectivement en assemblée d’école ou de groupe, le processus de décision est transparent. Personne n’a de pouvoir sur personne, mais tous ont le pouvoir de s’impliquer dans les décisions collectives.
-Égalité sociale et entre les sexes: le tarif de l’école est abordable en comparaison aux écoles privées (200€/mois) et certaines familles qui n’ont pas les moyens ne paient pas. Aussi, l’égalité des sexes est concrète dans les paroles ( compañeros, compañeras à l’oral et compañer@s à l’écrit) et est vécue dans les actions des enfants : des garçons de 12-13 ans qui jouent sérieusement à l’élastique, j’ai rarement vu ça dans une école.
-Le jeu pour l’apprentissage: permet la socialisation et le sentiment de communauté, avec le travail collectif, permet la responsabilisation des jeunes vis-à-vis de leurs paires.
-Autonomie de l’individu: autonomie individuelle et socio-affective. Les enfants prennent soin l’un de l’autre et n’ont pas de relation de dépendance envers l’adulte. Cela leur permet de prendre des décisions pour eux-mêmes et d’avoir une réelle motivation intrinsèque.
Ces principes sont très clairs et les jeunes les comprennent bien, ils font les tâches collectives avec enthousiasme, même si certaines d’entre elles semblent inutiles selon mes critères bien personnels comme balayer les feuilles tombées sur le préau tous les jours… Ils comprennent bien que la liberté vient avec des responsabilités et que ce travail fait partie de leur responsabilité et de leur apprentissage. Les adultes n’ont pas à intervenir pour que les enfants se mettent à la tâche, il y a vraiment autorégulation entre eux. Ce sont les enfants, chapeautés par un adulte, qui préparent le repas, mettent la table et desservent.
Un autre exemple de la capacité d’autogestion des jeunes : après le diner, les enseignants restent à l’intérieur pour discuter et les enfants, qui ont fini de manger bien avant, sont tous à l’extérieur. Un jour, je me suis dépêché de manger afin de voir ce qu’ils faisaient dehors et ce que j’ai vu m’a étonné. Ils étaient 20 dans un carré de sable d’environ 6 mètres par 6 affairé à construire des maisons, murs et routes. Ils étaient donc très serrés et il y avait peu d’espace pour se déplacer sans marcher sur une construction. Plusieurs ont été détruites par des pas, mais il n’y a eu aucun conflit, seulement des demandes de faire attention, alors l’enfant fautif s’excuse et parfois aide à reconstruire. À un moment deux garçons d’environ 11 ans se sont mis à se lancer du sable et à se poursuivre entre tout le monde faisant beaucoup de dégâts. Une petite de 7 ans leur a crié que ce n’était pas la place et leur a demandé d’aller ailleurs, les deux garçons sont allés courir ailleurs. Pendant 40 minutes, il n’y a eu aucun adulte sauf moi qui étais à l’écart et ses enfants jouaient paisiblement… Est-ce possible?
Mot de la fin
La Paideia est vraiment unique pour l’ambiance et le sentiment de communauté qui y règne. Les enfants en sont fiers et ils ont beaucoup de responsabilités. Des écoles que j’ai visité, c’est l’école qui a le moins de ressources matérielles et financières, pourtant, les deux premiers jours, il y a eu au moins 4 groupes d’enfants très fiers qui m’ont fait visiter l’école en me montrant les projets qu’ils font et les parties de l’école. Dans les autres écoles, ceux qui guidaient mes visites étaient soit des enseignants, soit des élèves mandatés ou personnes. En aucun cas ce n’était des visites spontanées démontrant un intérêt à communiquer et à transmettre son enthousiasme comme à la Paideia.
Je vous invite à aller voir sur une vidéo avec sous-titre français qui vous donne un aperçu de comment fonctionne l’école et aussi de la philosophie qui est derrière!
Jean-Simon Voghel est un jeune enseignant à la retraite. Il est également un des membres-fondateurs du RÉDAQ.
Naestved Fri Skole
J’ai visité pendant deux jours l’école libre de Naestved.
C’est une école d’environ 110 élèves de 4 à 18 ans qui est ouverte depuis plus de 15 ans. Initialement, elle était une école Sudbury (voir l’article de Sudbury school Gent et Roskilde Den Democratik Skole, mais suite à des inspections gouvernementales, la décision a été prise de faire certains compromis afin de continuer à recevoir l’argent du gouvernement. L’argument du gouvernement était que l’école devait leur prouver que les enfants apprenaient le programme afin qu’elle puisse recevoir de l’argent, or, dans les écoles Sudbury, c’est l’enfant qui décide d’apprendre ce qu’il veut. Maintenant il n’est pas évident de voir ce qu’il reste du concept et des valeurs de Sudbury.
Un compromis majeur que l’école a fait est d’imposer un horaire de cours aux élèves. Étant donné que le gouvernement veut avoir des preuves que les élèves apprennent le curriculum, l’école fait passer les examens de fin de scolarité à tous les élèves. La direction de l’école explique que c’est le moyen le plus simple de prouver au gouvernement les apprentissages des élèves. C’est la première école libre/démocratique que je visite qui fait évaluer obligatoirement ses élèves. Les autres écoles outillaient les élèves qui le désiraient afin qu’ils passent leurs examens dans une autre école ou dans un centre du ministère de l’éducation. Dans ces écoles la plupart des élèves demandaient à passer les évaluations et par conséquent assistaient aux cours, mais ils avaient toujours la possibilité de ne pas y assister; le choix était le leur. Par contre, ici, c’est une obligation que les élèves ont d’être évalué sur le curriculum et cela implique donc une obligation à assister aux cours. De mon point de vue, ce compromis entrave la nature « libre » de cette école en plaçant l’adulte en autorité d’imposer le curriculum. L’école de Naestved propose aussi à ses plus jeunes élèves de passer des évaluations afin de savoir où ils sont rendus dans leurs apprentissages afin de pouvoir les orienter. Ces évaluations ne sont pas obligatoires.
L’école est située dans un petit village situé à une quinzaine de kilomètres de Naestved. Les jeunes ont accès à une grande cour où il y a des jardins, cabanes, circuit de BMX et terrain de soccer. Récemment, l’école a pu acquérir un bâtiment voisin où sont aménagés un gymnase et une salle de musique.
Une journée à Naestved
De 8 à 8h30 les élèves entrent graduellement dans l’école pour assister à leur premier cours jusqu’à l’assemblé du matin à 10h00. À 10h30, ils reprennent les cours jusqu’à 12h00 pour le diner et reprennent les classes à 12h30 jusqu’à 14h00.
Les élèves qui sont divisés en 4 groupes selon les âges : Junglen de 4 à 7 ans, Timeland de 7 à 10 ans, Gopler de 10 à 13 ans, Bubbles de 13 à 15 et enfin Ballons de 15 à 18. Les plus vieux ont un horaire beaucoup plus chargé que les petits étant donné l’approche des évaluations, ce qui fait en sorte qu’ils n’ont plus le temps de faire partie de comités. Ces comités sont donc beaucoup moins nombreux qu’ils ne l’étaient avant lorsque c’était une école Sudbury. Les trois premiers groupes d’élèves ont beaucoup de liberté, mais les horaires des deux derniers groupes ressemblent à l’école traditionnelle. L’élève choisit son horaire individuellement en collaboration avec un enseignant. L’enseignant est là pour s’assurer que l’élève respecte le programme et suive tous les cours pour réussir les évaluations. Cette collaboration est donc biaisée par ce rapport de force où l’élève est en situation de soumission au programme.
Outre les cours classiques et les évaluations, les élèves vivent des activités variées, surtout les plus jeunes d’entre eux. J’ai pu observer une équipe de jeunes cinéastes durant le tournage d’un film. D’autres assistaient à un atelier de cuisine ou apprenaient à créer de la musique par ordinateur avec le logiciel Ableton Live. Les plus jeunes peuvent aussi profiter de la présence de visiteurs. Les enseignantes de Junglen (4 à 7 ans) et de Timeland (7 à 10 ans) m’avaient proposé de montrer des images du Canada et de parler de mon pays. J’ai discuté en anglais avec un petit groupe d’intéressés grâce à l’aide d’une jeune traductrice.
Gouvernance
Les assemblées du matin sont obligatoires et sont un moment où les jeunes partagent les différents projets ayant court durant la journée. C’est un rituel de bienvenue et l’occasion d’inviter les autres élèves à une partie de cachette ou une visite d’exposition. Certaines décisions organisationnelles sont prises lors de ces assemblées, mais les discussions de fond et la réelle autorité est à l’assemblée générale. J’ai pu organiser une session d’improvisation musicale et inviter les élèves à y participer lors d’une assemblée du matin. Nous avons convenu collectivement du meilleur temps pour l’organiser. Un adulte intervient pour proposer que quelqu’un m’accompagne pour m’aider, il craint que les élèves brisent du matériel. Je demande si c’est nécessaire et les jeunes ajoutent qu’ils sont capables de m’aider. Finalement, 8 élèves sont venus et on joué du piano, batterie, guitare, basse et ont chanté.
Durant l’assemblée générale qui se tient une fois par semaine les mercredis, j’ai eu la chance d’avoir un traducteur. Je vais vous rapporter l’argumentaire des jeunes dans l’objectif de montrer comment ils sont en mesure d’organiser la vie scolaire par eux-mêmes et sont capables de raisonnements extrêmement lucides lorsqu’ils sont impliqués dans un réel pouvoir politique. Un des adulte de l’école a proposé le point suivant: que les jeux soient interdits dans la grande salle (kolossallen) durant le temps du diner, car il y avait beaucoup de bruit pour ceux qui mangent. Voici les différentes réactions des élèves:
- Un garçon de 8 ans demande des explications sur ce qu’est un jeu. Il considère que ce n’est pas clair et qu’il sera difficile de respecter le règlement.
- Une fille de 10 ans souligne que le règlement ne réglera pas le problème de bruit puisqu’il est possible de faire du bruit sans jouer et qu’il est aussi possible de jouer sans faire de bruit. Elle s’ inquiète aussi de l’injustice possible pour ceux qui jouent calmement.
- Une fille de 14 ans indique que la kolossallen est déjà censée être un endroit calme, il existe un règlement pour cela. Il suffirait donc d’appliquer le règlement convenablement.
Certains pouvoirs de l’assemblé générale étaient délégués à des comités composés d’élèves et d’enseignants comme les décisions concernant le budget de l’école. Par contre, il semble que de moins en moins d’élèves puissent participer dû à la charge de cours, les adultes ont donc fermé les comités. Je n’ai pas réussi à savoir si l’assemblé générale avait repris ces pouvoirs ou si c’était maintenant les adultes qui décidaient.
Mon sentiment général est que les adultes de cette école veulent avoir un contrôle sur ce qui s’y vit. L’anecdote suivante n’est pas anodine, lorsque je suis arrivé, j’ai reçu la consigne de suivre la même femme pendant la première heure. Elle ne voulait pas que je circule dans l’école seul en évoquant le fait que les autres ne savaient pas qui j’étais et ne savait pas qu’ils devaient me parler en anglais… Cela nous éclair sur deux points, premièrement, les élèves n’étaient pas impliqués dans la décision d’accueillir un visiteur et que les adultes ne font pas entièrement confiance aux jeunes et aux visiteurs.
Mots de la fin
L’école a été mise sur pied par des parents et enseignants grâce à la loi au Danemark sur les écoles libres. Pour fonder l’école, ils doivent rassembler 12 élèves et écrire une constitution (philosophie et règlement de l’école) qui doit être approuvée par l’état.
Jean-Simon Voghel est un jeune enseignant à la retraite. Il est également un des membres-fondateurs du RÉDAQ.
Pourquoi l’école ressemble à la prison
Je me rappelle, ado, je répétais à qui voulait bien l’entendre à quel point j’avais hâte d’être libérée de la prison. La prison étant l’école secondaire. Les adultes me répondaient tous la même chose, soit que je n’avais aucune idée de ce dont je parlais. Ils avaient raison. À cette époque, je n’avais qu’une connaissance fictive de la prison, je n’en connaissais rien sauf ce que j’en avais vu dans les films (Ni prison Break ni Unité 9 n’existaient encore!). Mais maintenant, j’en connais réellement quelque chose. Je sais ce qu’on ressent derrière la porte barrée d’une cellule dont il est impossible de sortir. Je sais ce qu’on ressent lorsqu’on est confinée dans un endroit pour une période définie, ou encore pire, indéfinie, contre son propre gré. Je sais aussi ce qu’on ressent quand on est confronté à fréquenter un lieu dans lequel toutes sortes de personnes se livrent à des jeux de pouvoir et de domination. J’ai vécu la prison de l’intérieur. À l’école secondaire, je n’ai vécu aucune situation d’intimidation ou de violence, mais j’en ai vu se produire. À l’école secondaire, je pouvais m’évader et aller ressentir la liberté de la découverte; toutefois, je devais en payer le prix. Et non, je n’ai pas été dans l’une de ces écoles dont les portes sont barrées, mais je savais très bien que j’étais OBLIGÉE de fréquenter l’école jusqu’à mes 16 ans. Bien des années ont passées depuis. Tout de même, avec mon regard de future diplômée en éducation, je soutiens mon point, à quelques nuances près. L’école ressemble en plusieurs points à la structure carcérale provinciale.
L’aspect légal
Au Québec, la coercition étatique quant au domaine scolaire est très forte. L’état exerce effectivement une coercition légale sur les familles québécoises au sujet de l’éducation de leurs enfants. La deuxième section de la Loi sur l’instruction publique (LIP) stipule que les enfants âgés de 6 à 16 ans sont obligés de recevoir la formation scolaire prévue par le ministère ou une éducation équivalente. Ce sont les commissions scolaires et les directions d’écoles qui ont le devoir de veiller à ce que les familles répondent à cette obligation de fréquentation scolaire. Dans le cas où les familles et l’institution scolaire ne s’entendent pas, c’est le tribunal de la jeunesse qui rendra une décision concernant l’enfant. C’est donc l’état qui contraint l’enfant à l’école, comme l’état contraint un contrevenant à la prison.
D’abord, le lieu physique. L’école est un lieu d’enfermement. Les locaux, tous situés sur le long des corridors, sont les repères de chaque groupe. Les enfants y passeront la majeure partie de la journée, assignés à une place qu’ils n’ont très souvent pas choisie. C’est un cadre administratif, OÙ PRIMENT les points de vue des personnes en position d’autorité, qui choisissent quel élève fréquentera quel autre et où, ET qui détermine la classe des enfants. Au régulier, il y a une différence avec le milieu carcéral, car on tente de répartir les élèves selon la nature de leur difficulté parmi toutes les classes. Dans les secteurs de l’adaptation scolaire, c’est cependant plutôt similaire au milieu carcéral. La catégorie à laquelle les élèves ont été associés déterminera la classe dans laquelle ils seront…. classés. Du côté de la prison, c’est la sentence émise (ou pas) par le juge qui détermine l’aile à laquelle un détenu sera assigné.
La coercition physique
À mon avis, les contraintes physiques sont nombreuses. Commençons par le temps. À l’école, tout est réglé selon un horaire plutôt stricte. Un enseignant du primaire vous dira qu’il sait prendre le pouls de sa classe et ne fera pas de mathématiques s’il sent que les élèves sont agités. Qu’en est-il de l’enseignant de maths au secondaire? Peut-il se permettre de discuter d’économie ou d’environnement avec son groupe s’il s’aperçoit que celui-ci n’est pas disposé à intégrer la nouvelle matière? Non. En général, un horaire est prédéfini et les élèves doivent s’y plier. S’ils ne le font pas, des conséquences s’en suivront, telles que le fameux local de retrait.En prison, les cas sont variés. En milieu provincial, tu seras confiné à ta cellule pour la période suivante si tu ne te présente pas à ton aile pour aller diner en cafétéria. Tu perdras ta place si tu ne te présentes pas à l’heure prévue pour aller à “l’école” ou au “travail”. Ce sont les conséquences prévues par l’administration.
Une autre forme d’oppression physique est celle de rester à l’intérieur toute la journée. Pendant une période de 6 heures, l’enfant est cloitré dans un espace physique restreint et imposé par autrui. S’il a besoin d’espace, c’est tant pis pour lui. S’il a besoin d’air frais, il en aura seulement pour 30 minutes dans la journée. S’il s’ennuie de son parent ou tuteur, on ne lui permettra pas de l’appeler. S’il n’arrive pas à suivre les normes du groupe, on le retirera de la classe.
Que dire du fait d’avoir à rester assis, en silence et concentré pendant des laps de temps souvent égal ou plus long que ce que la neuropsychologie reconnait comme habileté moyenne du cerveau? Ça, cette oppression sur la liberté du corps, il n’y en a pas en prison. Tu restes libre de fixer ton attention sur ce dont tu souhaite et personne ne t’empêchera de te lever de ta chaise autant de fois que tu en as besoin. Selon moi, cette contrainte est la pire qui soit imposée aux enfants dans le monde scolaire.
La coercition psychologique
Bien que peu d’enseignants doivent avoir explicitement dit à leurs élèves que sans leur diplôme, ils ne deviendront rien d’utile dans cette société, tout le système scolaire le chuchote constamment. Si tu ne performe pas bien dans les matières jugées importantes, TU n’es pas bon. Plusieurs études démontrent des corrélations entre le sentiment d’efficacité, suivi de la perception de soi, et les notes scolaires. Si tes comportements naturels ne répondent pas à ceux attendus en classes, ils sont considérés comme étant des dysfonctionnements curables par de la médication.
Il est vrai qu’il est plus simple d’entrer dans les niveaux d’études supérieures avec les diplômes offerts par le système. Mais, il est faux de dire que c’est l’unique façon. Pourtant, qui sait cela? Qui sait que plusieurs excellentes universités sont accessibles par démonstration de port-folio et d’excellence en terme de connaissance d’un domaine précis? N’est-ce pas là une forme de tactique manipulatrice de la part du système éducatif? Je tiens à souligner que je ne crois pas que ce soit les acteurs les manipulateurs, ces éducateurs sont plus souvent qu’autrement des personnes dévouées et bien intentionnées, je le sais bien.
Pour finir…
Plusieurs plaideront que cette décision étatique d’obligation à l’école en est une qui avantage la population québécoise. Ceux-ci argumenteront que cette coercition permet l’alphabétisation de la population à continuer son ascension et permet à tous le droit à l’égalité des chances en matière d’éducation, tout en protégeant les enfants des méchantes sectes ou religions. Je ne suis absolument pas contre la valeureuse mission d’alphabétiser la population, ni contre celle d’assurer l’égalité des chances ni celle du bien-être des jeunes et du peuple. Simplement, plusieurs statistiques démontrent que le système d’éducation québécois n’est pas en mesure de livrer un excellent rendement dans ces domaines, bien qu’il ait produit de beaux succès. Le Québec reste la province avec le taux le plus élevé d’alphabétisation fonctionnelle au Canada… Je prétends donc encore que l’école est finalement, systémiquement, bien davantage un lieu d’acquisition d’un état de conformisme intellectuel et comportemental autant qu’un lieu où on casse la nature propre des jeunes telle une prison, plutôt qu’un lieu d’apprentissage dans son sens évolutif et constructif. Plusieurs exemples d’unschoolers existent pour démontrer que l’étude obligatoire des matières normées n’est pas l’unique façon de s’éduquer et devenir des êtres créatifs qui contribuent à la société. Et encore, est-ce que qui que ce soit jugerait négativement les grandes valeurs de la charte des droits et libertés de l’homme? Je crois que peu de québécois le feraient. Pourtant, l’application de la législation québécoise sur l’instruction publique brime le droit des parents de choisir l’éducation que recevront leurs enfants, droit qui est énoncé par cette grande charte…
Crystale est une future diplômée en enseignement en adaptation scolaire qui souhaite contribuer directement à l’innovation en éducation au Québec.
J’ai passé une journée à Den Demokratiske Skole à Roskilde, au Danemark, qui s’appelle désormais Roskilde Sudbury Skole. Cette institution partage un bâtiment résidentiel avec les scouts afin de minimiser les frais de fonctionnement : l’école occupe les locaux pendant les jours de semaine et les scouts s’y trouvent les soirs et les fins de semaine. C’est une petite école (ayant 11 élèves) inspirée de la Sudbury Valley School aux États-Unis, comme l’école de Gent, la première que j’ai visitée. Une des particularités des écoles Sudbury est celle rendant les élèves entièrement responsables des activités qui se déroulent au sein de l’école; les adultes ne font pas de propositions contrairement aux autres écoles libres et démocratiques. Ces derniers font partie de la communauté au même titre que les élèves : ils peuvent construire leur propre projet et être membres des comités, mais ils y sont clairement en minorité. Ce sont donc les élèves qui organisent la vie de l’école, en créant et en s’y impliquant dans des groupes chargés de :sorties, accueil des nouveaux enfants, engagement des profs, comité de justice, comité des fêtes, etc. Les employés de l’école ne se définissent pas comme des enseignants, car ils n’ont pas nécessairement de diplôme dans le domaine de l’enseignement et préfèrent le terme « staff membres ». Ils sont cinq à travailler à temps partiel, en combinaison avec un autre emploi.
Dans les écoles Sudbury, il n’y a pas de compromis concernant la participation des élèves, leur liberté et l’égalité entre eux et les adultes. Les enfants deviennent donc responsables rapidement et s’impliquent dans la vie de l’école puisqu’ils sentent qu’elle leur appartient et qu’ils ont un réel pouvoir d’y changer des choses. Tous les enfants que j’ai vus à l’école avaient différentes responsabilités et étaient impliqués dans plusieurs comités. En aucun cas la pression des adultes ou leurs suggestions étaient nécessaires, car ceux-ci ont totalement confiance en la capacité des enfants de s’organiser s’ils sont dans un environnement leur permettant d’être en sécurité et pris au sérieux.
Les personnes qui ont fondé l’école à Roskilde travaillaient initialement à l’école de Naestved, qui sera l’objet de ma prochaine visite. Ils ont eu des différends lors d’inspections du gouvernement : certains voulaient faire des compromis afin de continuer à recevoir l’argent et d’autres voulaient contester les inspections ou refuser l’argent afin de conserver leur autonomie. L’école de Naestved a finalement mis en oeuvre les compromis exigés par le gouvernement, et les enseignants contestataires ont alors fondé l’école à Roskilde en maintenant les principes des écoles Sudbury. C’est ce que j’en ai compris, mais le conflit était encore frais et il était délicat d’aborder ce sujet. La loi sur les écoles libres (non-initiées par le gouvernement) au Danemark permet aux parents ou aux enseignants d’initier un projet d’école. La plupart des écoles libres du Danemark s’inspirent globalement du modèle des écoles traditionnelles, mais certaines, comme Den Demokratiske Skole, se démarquent.
Une journée à Roskilde Sudbury Skole
L’ambiance des écoles Sudbury est décontractée et fluide. La transparence et la confiance règnent. L’entrée est progressive entre 8h00 et 10h00, les enfants doivent rester 5 heures par jour à l’école, mais peuvent sortir comme ils le désirent, tant qu’ils écrivent leurs heures de départ et d’arrivée sur le babillard près de la porte afin de prouver leur fréquentation s’il y a inspection. Les enfants passent leur journée à jouer seuls ou en groupes, discuter, regarder des vidéos, faire de la musique, lire, participer aux comités, etc.. Chaque personne a la liberté et la responsabilité de se trouver quelque chose à faire à tout moment, il n’y a aucune intervention des adultes pour organiser ou proposer des activités. Les élèves apportent des tablettes électroniques de la maison et passent beaucoup de temps devant les écrans. Ils les utilisent pour toutes sortes de choses : parfois pour regarder des avions atterrir en temps réel avec flightradar (pratique quand on veut devenir pilote, mais qu’on a seulement 13 ans…), certaines fois pour des jeux vidéo (minecraft, Sims) ou d’autres pour regarder des vidéos.
J’ai assisté à une réunion du comité des jeux qui planifiait l’acquisition d’un téléviseur et d’une console de jeux vidéo. Cinq élèves et un employé étaient présents pour la rencontre. Celui-ci prenait des notes et posait des questions, tandis que les élèves discutaient de solutions et faisaient des propositions. J’ai compris qu’ils ont choisi un emplacement en considérant les conflits potentiels avec les autres éléments de l’environnement et qu’ils ont déterminé une date pour l’achat. Le tout a duré moins de dix minutes.
Aussi, il y a une rencontre du comité de justice tous les jours, mais je n’y ai pas assisté lors de ma journée de visite. Ce comité est constitué de 2 responsables et d’un adjoint (tous des élèves). La présence des deux responsables permet d’éviter les conflits d’intérêt : si l’un d’eux est l’objet d’une plainte ou le plaignant, l’autre prendra la relève. L’adjoint est là pour gérer les plaintes et noter les décisions. Une des responsables du comité justice m’expliquait que les élèves ont pris l’habitude d’écrire des plaintes, car c’est bon pour l’école et que les plaignants ont le sentiment d’être écoutés. Le comité de justice travaille dans l’objectif de résoudre les conflits plutôt que de trouver des coupables. Comme à l’école de Gent, la plupart des plaintes sont en lien avec le ménage et le bruit.
Gouvernance
Le système de gouvernance est très clair pour les enfants qui étaient présents. Tout le monde a le pouvoir de contester toutes les règles, les jeunes le savent et ils connaissent les procédures pour y parvenir. Les règles sont écrites dans un cartable et accessibles à tous en tout temps. L’assemblée générale (Skolemødet) fonctionne comme un pouvoir législatif et a lieu une fois par semaine tandis que le comité de justice (restmødet) agit comme un pouvoir exécutif. Lors de mon passage, l’assemblée générale révisait les règles pour vérifier si elles étaient encore utiles. Dans les débuts de l’école, il y a eu des problèmes avec certains élèves, qui étaient violents, et l’assemblée a voté des règles pour surmonter ce problème. Maintenant que le problème est résolu, ils n’ont plus besoin de ces consignes ; c’est la raison pour laquelle on en questionne la pertinence. Aussi, l’école a changé de bâtiment dernièrement et certaines règles ne s’appliquent plus ou doivent être ajustées au nouvel environnement.
Les élèves ont des responsabilités pour le ménage et un horaire des tâches est établi en début d’année. Aussi, les élèves qui s’impliquent dans un comité doivent y rester pour un certain temps. Par exemple, ceux qui s’impliquent dans le comité de justice doivent y rester au moins une demie année. Les rencontres des comités et de l’assemblée sont ouvertes. J’ai pu voir des employés et des élèves discuter et prendre des décisions concernant le budget de l’école et il n’y a eu aucune gêne à ce que j’aille moi-même consulter les colonnes du budget.
Les parents
Malgré l’ouverture de l’école à accueillir des familles de différentes classes sociales, une sélection est effectuée : seuls sont retenus les enfants qui vivent déjà avec des parents accordant de l’importance à la liberté et l’autonomie et faisant confiance aux capacités de l’enfant de se développer de lui-même. Il y a donc initialement une entrevue afin de s’assurer que les parents comprennent bien dans quoi ils s’embarquent. L’idée ici est d’éviter qu’un enfant ait à gérer des contradictions entre l’école et la maison. Il nous paraît évident que si l’enfant décide de jouer à minecraft tout le temps pendant deux semaines, il faut que la famille et l’école évitent de lui proposer directement ou indirectement de faire autre chose :mettre de la pression, obliger à obtempérer, passer des commentaires, etc. Avoir totalement confiance en l’enfant, c’est accepter de ne pas voir les résultats de son éducation tout de suite, mais supposer qu’il va rester curieux, enthousiaste et créatif toute sa vie comme l’est un enfant de 4 ou 5 ans.
Mot de la fin
Comme l’école Sudbury de Gent où les élèves et l’employé ont décidé de se payer un avocat et de visiter le parlement, les élèves de la Roskilde Sudbury Skole ont un intérêt pour les lois et la vie citoyenne des adultes. Le comité de justice a organisé une sortie au tribunal pour pouvoir comparer la justice qu’ils vivent à l’école et celle qui est vécue par les adultes. Il existe beaucoup de documentation sur le modèle de l’école Sudbury: Leur site internet contient plusieurs vidéos, des articles et des livres qui expliquent en détail comment fonctionne l’école.
Jean-Simon Voghel est un jeune enseignant à la retraite. Il est également un des membres-fondateurs du RÉDAQ.
Expérimentation de l’enseignement sans manuel ni examen
Le deuxième jeudi de septembre de l’année, alors que d’une minute à l’autre, je m’apprêtais à donner un cours d’arts dramatiques à Compass, je me retrouvais nerveux et ce, pour plusieurs raisons. D’une part, je n’avais jamais donné ce type de cours plus tôt dans ma vie, en plus de n’en avoir jamais suivi auparavant. D’autre part, comme ce fut le cas pourchaque premier cours que j’ai pu donner dans des milieux d’apprentissages tels que Compass, il a la fonction principale de permettre aux élèves de percevoir un avant-goût du contenu du cours et de décider s’ils vont continuer à le suivre durant le reste du semestre. Certaines classes ne poursuivent malheureusement pas l’expérience au-delà de cette séance initiale, tandis que pour d’autres, l’aventure s’achève dès la deuxième ou troisième fois, faute de fréquentation.
Quelques jours plus tôt, les co-directeurs de Compass avaient partagé une liste de cours, que des enseignants comme moi souhaiteraient offrir au centre. Pendant cette rencontre, lorsque fut venu le temps de parler de mon cours, les jeunes ont pu apprendre que ce dernier s’appellerait Fake Awards et ont pu entendre une courte définition, trop abstraite, du contenu prévu. Finalement, six jeunes ont choisi de venir au premier cours, ce qui constitue un nombrenormal pour un centre comme Compass, fréquenté par environ quinze jeunes. Dès les premières minutes, illes m’ont tou.te.s avoué être intrigué.e.s par le déroulement du cours à venir, mais ne pas comprendre de quoi il s’agirait. Bien que je n’avais jusque-là aucune expérience en arts dramatiques, j’étais tout de même confiant quant au potentiel du contenu à présenter. En effet, depuis que j’avais commencé à enseigner dans des milieux comme Compass, chacun des cours donnés qui connurent le plus de succès en terme d’engagement et de participation avaient tous un point commun : l’implication de la co-construction de quelque chose, qu’il s’agisse d’un journal (dé)scolaire ou encore d’idées pour penser le monde ou le passé. Ce faisant, j’expliquai aux jeunes présents que leur objectif serait de co-construire un anti-gala ou une satire des galas. Cela allait impliquer de créer des fausses catégories de prix, des faux nominé.e.s, des faux discours de remerciement et d’introduction, et surtout des faux extraits de vidéos de nominé.e.s. À titre d’exemple, je leur ai mentionné qu’une catégorie allait pouvoir être Most Inappropriate Fart Joke ou Most Ineffective Pick-up Line. Ayant une meilleure idée de ce à quoi s’attendre du cours, certains jeunes ont décidé de ne pas suivre le cours, alors que d’autres s’ajoutèrent à ceux qui avaient choisi de rester. Or, à ma grande surprise, 8 mois plus tard, le cours avait toujours lieu presqu’une fois par semaine.
Quand j’en parle à des gens de mon entourage, plusieurs amis me disent trouver amusant le concept du cours, mais à peu près chacun d’entre eux me demande ce que les jeunes apprennent dans un cours de ce genre. En animant celui-ci, j’ai rapidement réalisé et vécu la confirmation de ma croyance que lorsque des jeunes peuvent s’investir dans un projet qui les intéresse, beaucoup de positif peut en émerger. Par exemple, chaque cours, que ce fut la période où nous écrivions nos scénarios ou celle où nous filmions, impliquait la prise de plusieurs décisions. Devrions-nous utiliser telles blagues à tel moment ou pas? Ferions-nous mieux de filmer sous cet angle ou pas? Qui devrait jouer tel rôle? Ce faisant, nous avons pu collectivement mettre en pratique différentes stratégies afin de prendre ce genre de décision. Bien que nousayons essayé de trouver un consensus lors de chaque prise de décision, nous avons préféré de choisir les options que la majorité d’entre nous appuyaient. Conséquemment, ce n’était pas moi comme enseignant qui ai pris les décisions, mais plutôt tous les jeunes ensemble. Afin desélectionner l’individu qui jouerait un rôle, ce ne fut pas l’adulte qui a exercé un jugement envers un jeune en exprimant : «Toi, tu es la meilleure personne pour jouer ce rôle et tous les autres ne sont pas meilleurs que toi». Lorsque le problème a émergé, un des jeunes a proposé à celui qui souhaitait l’attribution du même rôle de faire un deux de trois au jeu roche-papier-ciseau. Par conséquent, ce fut les jeunes qui ont trouvé le moyen approprié d’effectuer la résolution du problème rencontré.
Un autre défi auquel nous avons été confrontés fut de déterminer si non seulement les blagues construites étaient drôles, mais également si elles étaient éthiques. En ce sens, nous avons traversé plusieurs débats visant à déterminer s’il serait approprié de faire une blague qui traite, par exemple, de la mort de Robin Williams, ou encore d’en faire une impliquant Bill Cosby ou la défaite des Conservateurs lors d’élections. La question s’est également posée quant à l’aspect du sexisme et de l’homophobie. Dans nos réflexions, les jeunes ont pu faire ressortir divers points positifs et négatifs concernant ce genre de blague et ont pris le temps de réfléchir à la manière dont autrui pourrait se sentir.
Au final, ils furent huit jeunes à contribuer d’une manière ou d’une autre au Fake Awards. Au total, nous avons écrit, lu, relu, modifié et récité un peu plus de vingt-cinq pages de scénario et nous avons produit une vidéo de près de quarante minutes. Trois des jeunes ont passé plus de 40 heures à effectuer le montage vidéo et photo les soirs de semaines et la fin de semaine sans que je puisse y contribuer, faute de connaissances dans ce domaine. Je ne peux prétendre savoir ce que les jeunes ont pu apprendre exactement pendant ce cours, mais s’il est vrai qu’il faut passer 10 000 heures pour devenir expert à quelque chose, un bon nombre d’adolescent.e.s de 12 à 15 ans ont pu passer une centaine d’heures à créer une vidéo satirique.
Marc-Alexandre Prud’homme est le fondateur du RÉDAQ. Il enseigne à temps partiel à Compass à Ottawa et travaille comme chargé de cours en éducation dans différentes universités du Québec et de l’Ontario.
Freie Schule Leipzig
J’ai visité pendant une semaine la Freie Schule de Leipzig. Cette école a été créée en Allemagne de l’Est en 1990 lors de la réunification. Il y a alors un vent de liberté pour les gens habitant Leipzig et c’est dans ce contexte qu’une association de parents a créé l’école. La philosophie, les valeurs et la structure de l’école évoluent beaucoup durant son existence : l’école a vécu des ajouts, des séparations, des cours obligatoires ou non. Vous rapporter en détail son évolution est hors de ma portée.
Je vais seulement vous dire que la Freie Schule actuelle prend forme lors d’une séparation. À l’époque l’école était dans trois bâtiments, deux pour le primaire et un pour le secondaire. Une culture différente s’est installée dans chacun des bâtiments et à un certain moment, les cultures étaient trop éloignées pour continuer à travailler ensemble. Une école primaire et l’école secondaire voulant se conformer aux exigences du gouvernement en évaluant les élèves et l’autre école primaire voulant rester libre. La Freie Schule s’est donc séparée il y a une dizaine d’années et les deux autres écoles se sont trouvé un autre nom.
Après la séparation, les enseignants ont voulu continuer l’école secondaire, mais le gouvernement s’y opposait arguant que ce n’était pas dans le mandat de l’école (le bâtiment). Finalement, ils ont réussi à avoir le secondaire en passant par les tribunaux, car cela faisait partie de la philosophie de la Freie Schule d’offrir toute la scolarité afin qu’il y ait des enfants de tout âge donc plus de diversité dans les relations.
Aujourd’hui, Freie Schule accueille quelque 170 élèves de 5 à 16 ans et occupe 4 étages d’un énorme bloc de 5 étages. L’école a donc la possibilité de grossir en ajoutant le dernier étage. Lorsque j’étais présent, des plans d’aménagement de l’école étaient accrochés dans la cafétéria et on se préparait à entreprendre des travaux majeurs de rénovation.
Aussi, l’école de Leipzig est une des fondatrices, avec Kapriole de Freiburg, de l’Eudec (European democratic education community) qui fonctionne comme un réseau d’entraide, d’échange de ressources et joue un rôle de sensibilisation.
Une journée à Freie Schule
Le mode de fonctionnement est semblable à la Kapriole de Freiburg : horaire hebdomadaire, organisation des locaux avec des noms de pays, tableau de présence à l’entrée, système de tuteur, diversités d’ateliers et d’adultes, etc. Ces deux écoles font partie d’un groupe de 4 écoles libres qui se visitent régulièrement afin d’avoir un regard critique et compréhensif, ce que les inspections gouvernementales ne feraient pas toujours…
Comme à Kapriole, les adultes ont un horaire de présence dans certains locaux (ateliers ou salles de classe) et les élèves décident d’y aller ou non. Dans les salles de cours, on est placé en cercle et l’ambiance est à l’entraide et au partage, les élèves comparent leurs réponses et se corrigent entre eux. Pendant les exercices, l’enseignant intervient seulement si les élèves ne sont pas capables de se débrouiller par eux-mêmes, c’est-à-dire rarement. Si on ne va pas aux cours, il y a toujours moyen de trouver un endroit calme dans l’école ou un endroit où il y a des jeux et de l’action.
Un enseignant (Springer, le sauteur) reste libre comme le Ruckenfrei de Kapriole pour garder le contrôle des clefs de certains locaux qui sont verrouillés. Les enfants demandent les clefs au Springer et celui-ci vérifie l’état du local après le passage des jeunes. Pour certains locaux, les jeunes doivent avoir un permis pour y aller seuls, on veut s’assurer qu’ils savent utiliser le matériel correctement (couture, ébénisterie, électronique, musique, etc.).
Durant mon séjour, les adolescents étaient assidus, la plupart se préparait aux évaluations. Dans cette région de l’Allemagne, les élèves ont beaucoup d’examens gouvernementaux à passer s’ils veulent avoir leur diplôme : 9 en tout, en comparaison, à Freiburg où ce n’est seulement que 3. C’est plus que dans les écoles traditionnelles, le gouvernement justifie ces examens supplémentaires parce que les élèves n’ont pas accumulé de crédits durant leur scolarité et doivent donc montrer qu’ils ont les mêmes connaissances en chimie, biologie, physique et histoire que les élèves qui font l’école traditionnelle. Malgré tous ces examens, les élèves commencent à s’y préparer seulement un ou deux ans avant, selon s’ils ont suivi quelques cours déjà, ou selon leur niveau de confiance. Ils ont donc le reste de leur scolarité (8 ans) pour suivre leurs intérêts. Malgré le temps relativement court de préparation, les résultats des élèves sont comparables à ceux des élèves qui ont fait l’école traditionnelle.
Les jeunes entre 5 et 8 ans sont séparés en 3 groupes d’environ 18 enfants et ont chacun une classe et deux enseignants. Par contre, ils peuvent se promener où ils veulent durant la journée. Les deux enseignants se partagent la classe, car ils ont aussi d’autres tâches dans l’école. Aussi, il n’est pas rare qu’il n’y ait aucun enseignant dans les classes des petits. Pour les jeunes, il y a un cercle du matin pour discuter des activités de la journée afin de les guider un peu dans leur gestion du temps, sinon, ils sont maîtres de leur temps. Les plus vieux peuvent aller dans les classes des petits, ils y reviennent pour être avec les plus jeunes ou parce qu’ils sont encore attachés à leur ancien local. Durant mon séjour, les filles occupaient plus souvent les classes que les garçons. Ces derniers étaient plutôt à l’extérieur pour faire des combats d’épées, suivre les plus grands ou jouer dans les salles de construction. Ironiquement, un groupe de fillettes jouait à l’école dans une des classes. Elles étaient à tour de rôle une « Frau Lehrer » très autoritaire, écrivait des équations au tableau, donnait des dictées, frappait avec une baguette sur les pupitres en criant. Les autres fillettes s’exécutaient en retenant leur rire.
Gouvernance
Une des différences que j’ai notée par rapport à Kapriole concerne l’assemblée générale, elle a lieu deux fois par semaine et dure moins de trente minutes. Les participants doivent y être à l’heure, car il n’y a pas d’entrée possible lorsqu’elle est commencée, cela permet d’éviter les entrées bruyantes. Beaucoup d’élèves étaient présents (environ 60), mais ils participaient peu. La majorité des points étaient proposés par des adultes et je n’ai entendu qu’un seul élève faire un commentaire si on exclut les deux élèves qui animaient. Les enseignants sont préoccupés par cette situation et ont plusieurs pistes de solution à explorer afin de susciter la participation des jeunes durant les assemblées.
J’ai compris ce manque de participation des élèves par la place que prennent les examens pour les plus vieux, car ce sont eux qui normalement prendraient des initiatives et proposeraient d’organiser des activités. Étant donné la préparation exigeante aux évaluations, ils ont très peu de temps pour s’impliquer comme en témoigne le peu de participation à l’assemblée générale. Les horaires de cours sont aussi orientés selon les évaluations, les enseignants doivent préparer les élèves qui veulent passer les examens et sont donc confinés aux seules matières évaluées. Il y a donc une perte de diversité dans le contenu. Un exemple de cette perte de diversité est le projet de « sustainability » ou les jeunes organisaient des activités de sensibilisation sociale et environnementale : utilisation d’espace de stationnement à d’autres fins, cueillette et préparation de fruit, entretien de ruches d’abeilles, organisation d’une conférence sur la décroissance. Les enseignants ont de la difficulté à recruter des jeunes malgré leur intérêt manifeste. Ceux-ci n’ont pas de temps, ils sont tous occupés à préparer leurs examens.
Cela place parfois les jeunes dans une relation de consommateur avec son apprentissage. Ceux-ci se présentent aux cours pour se préparer aux examens. Les enseignants et les élèves ressentent donc cette pression du diplôme. Cette situation préoccupe les enseignants qui voudraient que les jeunes puissent approfondir leur intérêt. Ils sentent que leur liberté est brimée par la charge des évaluations.
Témoignages
Les parents doivent s’impliquer dans l’école et ils peuvent le faire de différentes façons, d’abord en participant à l’assemblée d’école qui agit comme la plus haute autorité de l’école. Ils peuvent aussi s’impliquer dans les activités quotidiennes de l’école comme l’animation d’atelier (couture, échec, musique, photographie…), du travail de bureau, aider lors des journées portes ouvertes, la cogestion d’un petit magasin avec les élèves, etc. Les enseignants sont tout de même conscients que l’implication des parents doit se faire en considérant le bien-être de leur enfant, c’est-à-dire que la présence des parents ne doit pas limiter la liberté et les droits d’un enfant.
Les élèves plus vieux sont bien informés de l’importance qu’a le diplôme pour poursuivre leurs études. Plusieurs vont aux cours pour se préparer aux évaluations et soutiennent que c’est un choix qu’ils ont fait. La préparation aux évaluations prend beaucoup de place, certains ont dû réduire leur implication dans l’école. Ils évoquent aussi d’autres raisons d’aller aux cours : par intérêt, être capable de lire, parce qu’ils ont du plaisir et parce que leurs amis vont en classe. Ils apprécient la liberté : à l’ancienne école, on ne pouvait rien faire. Ils apprécient la diversité des relations sociales et les cours non obligatoires.
Mot de la fin
Un des points majeurs de l’éducation libre et démocratique que je découvre est l’attitude des enseignants (des adultes en général) vis-à-vis des jeunes. Ils font confiance en leurs capacités et ce faisant, leur laissent toute la place pour qu’ils se développent par eux-mêmes. L’idée de l’éducation traditionnelle (et parfois de l’alternatif) est plutôt de planifier pour l’enfant des situations où nous pensons qu’il fera des apprentissages significatifs. Ce faisant, nous leur coupons des possibilités d’avoir de l’initiative. Je pose la question, y a-t-il quelque chose de plus significatif que ce que l’élève choisit lui-même et qu’il fait par lui-même? Pour illustrer mon propos, je partage une anecdote que j’ai observée dans une des classes de petits à Leipzig.
Une petite d’environ 6 ans est installée à un jeu et se cherche des partenaires. Elle demande aux élèves qui passent près d’elle s’ils veulent jouer, mais la plupart veulent aller à la leçon de sport qui est dans 5min. (Quoi de plus significatif pour apprendre l’heure que d’organiser soi-même son horaire?) La petite continue tout de même et réussit à rassembler 4 joueurs pour son jeu (dont 1 enseignant). Cela lui a pris une quinzaine de minutes. J’ai rarement vu une jeune élève avec autant de détermination, je suis habitué de voir les élèves se plaindre que personne ne veut jouer avec eux après 1 ou 2 essais…et souvent, c’est l’adulte qui propose des solutions…
Les joueurs sont autour de la table, mais le soleil plombe d’un côté, gênant les joueurs. Un d’eux se lève pour tirer le rideau et maintenant, c’est l’autre côté de la table qui est ensoleillé. Les enfants se plaignent et argumentent. Mon réflexe d’enseignant aurait été d’intervenir et d’aider les enfants à trouver des solutions. (Est-ce qu’on a le luxe d’attendre que les enfants cherchent vraiment leurs solutions lorsqu’on a un programme à suivre?) Or l’enseignant n’a rien fait, même si les enfants semblaient dans une impasse. La petite du début décide qu’elle va changer de place et va sur une autre table, mais elle se plaint maintenant qu’elle est trop loin et qu’elle ne voit plus le jeu. (Encore une fois, l’enseignant ne fait rien) Un garçon prend l’initiative de ranger le jeu pour rejoindre la petite à l’autre table et alors l’enseignant commence à l’aider et finalement, tout le monde rejoint la petite à l’ombre. Le jeu peut commencer.
Qu’a appris la jeune fille: leadership, prise de risque, recherche active de solution, détermination, autonomie ?
Qu’aurait appris la jeune fille si l’enseignant était intervenu: dépendance envers l’adulte?
Qu’en pensez-vous?
Jean-Simon Voghel est un jeune enseignant à la retraite. Il est également un des membres-fondateurs du RÉDAQ.
Bildungsschule
J’ai visité pendant trois jours la Bildungsschule à Harzberg www.bildungsschule-harzberg.de. C’est une petite école démocratique qui accueille 28 élèves de la 1ère à la 4e année. Elle se situe dans un minuscule village, la plupart des enfants habitent les villages des alentours et les parents organisent du covoiturage pour le transport scolaire. Le bâtiment accueille la maison des deux enseignants aux 1er et 2e étages et l’école est au rez-de-chaussée. Un vaste terrain permet plusieurs activités à l’extérieur: aire de feu, accès à la forêt, cabane dans un arbre, trampoline, matériel de sport, etc. L’école se distingue des autres écoles démocratiques que j’ai visitées parce qu’elle accueille seulement des jeunes enfants.
Le bâtiment comporte deux grandes salles, une salle de jeu avec ordinateurs dans laquelle se déroulent les assemblées et une salle avec une grande table où les élèves viennent travailler avec les enseignants et où on mange le diner. Aussi, il y a deux plus petites salles, une avec des ordinateurs et l’autre avec des livres. Il y a beaucoup d’espace de travail réparti dans toutes les salles. Pour les cours de musique, on utilise une pièce au dernier étage dans la maison des enseignants. Une orthopédagogue est là durant les avants midi et des enseignants d’anglais et de musique viennent parfois pour des leçons de groupe (5 à 10 enfants). Les élèves suivent le programme officiel et l’école, quoique privée, est entièrement financée par le gouvernement.
Une journée à Bildungsschule
À 8 h, l’école ouvre et les enfants ont jusqu’à 8 h 30 pour arriver. À ce moment, le président de l’assemblée appelle tout le monde pour une première réunion. Les élèves sont obligés de participer aux réunions, la raison évoquée est que si on veut que la démocratie fonctionne, il faut que tous y participent. Par contre, les adultes de l’école ne sont pas obligés d’y participer, souvent ils sont absents de la pièce ou à l’extérieur du cercle, ne participant pas aux échanges. Durant les assemblées, certains conflits sont résolus ; il n’y a pas de règle écrite, les conflits qui ne sont pas réglés par les enfants concernés se règlent par l’assemblée avec des propositions de solutions et en votant à main levée. Un autre rôle de l’assemblée est de permettre aux enfants de présenter le travail qu’ils ont fait et on les applaudit. Durant l’assemblée, il y a souvent un adulte qui lit une histoire, pose des questions en anglais ou des questions de géographie. Cela se fait selon la volonté de l’adulte dans une optique pédagogique et parfois l’adulte pose des questions pour connaître l’intérêt des enfants (par exemple pour l’histoire).
L’animation et la gestion de l’assemblée se font par le président et les adultes ne font aucune intervention pour donner le droit de parole ou organiser les votes, sauf dans la situation où le président est débutant. Le président de l’assemblée change toutes les semaines et est choisi selon l’ordre alphabétique et le désir de l’enfant de tenir ce rôle. Les enfants ont choisi cette méthode afin de laisser la chance à tous d’être présidents. Avant, le président était élu et les plus vieux élèves étaient souvent plus populaires.
Lorsqu’il y a un élève qui dérange les autres, ce sont souvent d’autres élèves qui interviennent discrètement pour demander le silence. J’ai été étonné du calme, de l’autonomie et de l’attention des enfants durant les assemblées, je croyais que leur jeune âge allait rendre l’exercice difficile. À la fin de l’assemblée, le président demande à chaque élève ce qu’il va faire comme travail, ensuite ce dernier s’installe où il le désire pour la première période. Si un enfant ne sait pas quoi faire ou ne veut rien faire, d’autres élèves ou les adultes peuvent lui faire des propositions et parfois, selon les cas, le laisser ne rien faire.
La plupart des enfants travaillent seuls ou en petites équipes. Les enseignants accompagnent seulement ceux qui ont de la difficulté ou ceux qui ne veulent pas travailler (qui se désorganisent comme on dit dans le jargon…). Ils les aident à se concentrer sur la tâche et leur proposent de l’aide personnalisée; ils connaissent bien chaque élève et savent ce qui peut leur convenir comme intervention. L’intérêt des jeunes pour leur tâche est variable, certain s’occupe à la même activité toute la journée et continuent durant les pauses, d’autres se demandent quoi faire, prennent des pauses, discutent, mangent et semblent chercher les distractions. Même si la plupart des élèves acceptent l’aide des adultes, certains s’opposent passivement aux demandes ; ils s’intéressent à autre chose. Cela place les adultes devant un choix, soit ils n’interviennent pas, soit ils tentent de ramener l’enfant au travail en apportant une modification, en expliquant ou en aidant l’enfant à trouver une autre activité. Aussi, on souligne les efforts et les réussites durant les assemblées pour motiver les enfants.
Après la première période d’une heure, il y a une pause de 20 minutes. On entend alors des exclamations joyeuses de jeunes qui courent vers l’extérieur et on remarque que plusieurs enfants continuent leur travail. Durant la pause, il n’y a pas de surveillance à l’extérieur, comme dans la plupart des écoles démocratiques ou libres, on fait confiance aux enfants pour gérer eux-mêmes leur conflit (s’il y en a) et respecter les règlements qu’ils ont eux-mêmes décidés.
Après la pause, il y a une 2e assemblée qui fonctionne de la même manière que la première. Les enfants ont ensuite une 2e période de travail qui se termine par une 3e assemblée. La journée scolaire prend alors fin, les enfants peuvent retourner chez eux si un parent vient les chercher, les autres restent avec une dame pour manger et choisissent en groupe une activité. Parfois, l’adulte propose des activités à faire. L’après-midi est donc plus libre, les enfants sont la plupart du temps à l’extérieur. Durant les trois jours que j’ai été à l’école, ils descendaient une côte en skate, jouaient au hockey (ils voulaient profiter du Canadien en visite !), préparaient du pain banique pour cuire sur un feu et faisaient des jeux libres.
Philosophie et gouvernance
La gouvernance de l’école se vit quotidiennement et de manière informelle durant les assemblés et par les décisions des adultes. Étant donné que j’ai déjà expliqué la forme que prennent les assemblées dans ma description d’une journée, je veux attirer votre attention sur la philosophie derrière cette manière de fonctionner.
Les enseignants admettent que leur école ne correspond pas aux modèles des écoles libres ou démocratiques les plus souvent cités. Ils ne sont pas d’accord avec la totalité du discours des écoles démocratiques qui selon eux dévalorise l’apprentissage en permettant aux enfants de jouer tout le temps. C’est injuste pour un enfant d’avoir à choisir entre le jeu ou l’apprentissage. Pour qu’il développe son plein potentiel, un enfant doit avoir le sentiment qu’il apprend à l’école et les apprentissages ici se définissent par le programme du gouvernement. Les enseignants ont voulu trouver leur propre modèle et expliquent leur démarche en disant qu’ils veulent accorder une place de choix à l’apprentissage en prônant une démocratisation des méthodes d’apprentissage. C’est-à-dire que les enfants ont le choix d’apprendre ce qu’ils veulent, au moment qu’ils le veulent et de la manière qu’ils veulent, mais dans le cadre décidé par l’adulte, c’est-à-dire la plupart du temps assis à une table ou à un ordinateur. Par exemple, il ne serait pas possible pour un enfant de vouloir apprendre le tir à l’arc, même s’il y a de nombreuses notions de mathématiques et de physiques à apprendre ainsi que le développement de la motricité fine et globale. Dans ce cadre, les élèves ont tendance à reproduire les stéréotypes de projets ou d’activités scolaires comme des présentations PowerPoint, des feuilles de calcul et de l’écriture.
Par contre, plusieurs aspects des écoles démocratiques sont présents dans l’établissement, entre autres la préoccupation de bâtir une relation de confiance avec les enfants et d’inclure les jeunes dans la gestion de l’école, le choix des règlements et le choix des activités qu’ils font. Les adultes ne planifient pas systématiquement les apprentissages des jeunes, il n’y a pas de manuel ,ou de cahier d’exercices. Les jeunes apprennent en faisant des projets ou en faisant des exercices que les adultes leur donnent selon ce qu’ils veulent accomplir. On veut s’assurer que les enfants aient du plaisir dans l’apprentissage et pour cela, on accorde une place importante à la différenciation pédagogique en laissant beaucoup de choix : possibilité pour les élèves de travailler une semaine complète sur le même sujet ou travail et possibilité d’avancer à leur rythme. Ils peuvent choisir leurs partenaires de travail, choisir la place qu’ils vont prendre et choisir leur sujet, ils peuvent aussi choisir la forme que prendra leur travail.
L’école est petite, les enseignants sont un couple qui habite dans le même bâtiment que l’école. Ils font toutes les tâches de secrétariat, d’entretien, de comptabilité, etc. Cela leur permet d’avoir une cohérence et un discours fort au sein du personnel de l’école, il y a peu ou pas de discussion qui remette en question le fonctionnement de l’école. Un des enseignant de l’école est lui-même chercheur et a publié plusieurs ouvrages. Il y présente le mode de fonctionnement de l’école et explique comment mettre en place une éducation individualisée. Il y montre aussi les résultats des élèves qui sont passés dans son école. Le centre de son concept est qu’il faut démocratiser les méthodes d’enseignement et les rendre accessibles. Une de ses préoccupations est de démontrer que le modèle de l’école démocratique fonctionne et atteint les mêmes résultats que les écoles traditionnelles.
Mots de la fin
C’est la seule école démocratique/ libre que j’ai visitée qui accueillait seulement des élèves du primaire. Les élèves doivent aller dans une école régulière dès la 5e année et doivent être de ce niveau. Il y a donc une pression de résultat pour les profs qui veulent que les élèves soient à un bon niveau pour réussir leur transition vers le public. Dans les autres écoles démocratiques/libres qui accueillent le secondaire, les jeunes peuvent attendre jusqu’à 14, 15 ans avant de s’intéresser au cours scolaire et peuvent alors finir leur scolarité en aussi peu que 1 ou 2 ans, il n’y a donc pas cette pression de résultat pour les jeunes enfants. L’enfant a donc le temps de réaliser par lui-même l’importance de la scolarité et initie les démarches pour obtenir son diplôme. À la Bildunsschule, cette opportunité est relativement absente et les adultes ont mis en place une structure pour s’assurer que les enfants soient au niveau pour leur 5e année. Par contre, en faisant cela, les adultes se gardent le pouvoir de décider ce qui est pertinent (le programme) pour les jeunes et leur imposent donc les apprentissages scolaires.
Jean-Simon Voghel est un jeune enseignant à la retraite. Il est également un des membres-fondateurs du RÉDAQ.
Kapriole
J’ai visité l’école Kapriole à Freiburg en Allemagne pendant quatre jours. http://www.kapriole-freiburg.de . Elle accueille environ 150 élèves de 5 à 16 ans. L’école est séparée en deux bâtiments, un pour les petits (50 élèves) et l’autre pour les grands (100 élèves). La grande majorité des élèves qui finissent leur scolarité à Kapriole obtiennent leur diplôme (équivalent du secondaire), ceux qui ne l’ont pas, c’est par choix et non pas parce qu’ils ont échoué. La culture du diplôme est très forte en Allemagne, du moins, c’est ce qui ressort des témoignages que j’ai reçu, et les élèves comprennent bien qu’ils ont avantage à continuer leur scolarité au niveau postsecondaire. Plus d’une vingtaine d’enseignants de stagiaires et de bénévoles se partagent les tâches éducatives en donnant des cours ou ateliers et en agissant comme tuteur personnel pour les étudiants : chaque étudiant se choisit un tuteur lorsqu’il arrive à l’école et il peut changer lorsqu’il le souhaite et que le nouveau tuteur a assez de temps.
L’école semble être ignorée du gouvernement, du moins, à la connaissance des enseignants sur place. Il n’y a pas eu de visite d’inspecteur ou de contrôle concernant le suivi des programmes ou l’engagement des enseignants. Elle est enregistrée comme une école pour les élèves ayant des difficultés ou des handicaps, ce qui lui permet de proposer un enseignement moins rigide qu’une école traditionnelle. Il ne semble pas non plus y avoir d’intérêt officiel de la part d’université ou de chercheur. Par contre, plusieurs personnes visitent l’école pour observer, faire des stages ou du bénévolat, il existe une multitude de façons, pour les gens, de collaborer avec l’école.
Dans les débuts en 1997, l’école offrait seulement l’enseignement au niveau primaire et depuis 2003, elle offre en plus la scolarité pour le secondaire. Les débuts du secondaire étaient difficiles, parce que plusieurs élèves venaiene l’école traditionnelle où ils étaient en difficulté. Ils avaient une relation malsaine avec l’apprentissage et le voyaient comme quelque chose de pénible et de contraignant au lieu de le sentir comme quelque chose de positif et valorisant. Ces élèves sont passés par une période d’adaptation avant de reprendre le contrôle de leur apprentissage et de décider de passer les évaluations. Les niveaux primaires et secondaires sont dans deux bâtiments distincts.
Une journée à Kapriole
Du côté secondaire, des élèves arrivent souvent en premier à l’école et sont impatients qu’on leur ouvre la porte. Dans une salle commune/ cuisine/ salon (Cuba ; chaque salle est nommée par un pays), où discutent plusieurs adolescents, il y a un déjeuner bruyant et amusant pour les profs, stagiaires et visiteurs. Vers 8 h 30, sans cloche ni avertissement, les gens se rendent dans les locaux de cours pour la première plage horaire de la journée.
Sur des feuilles affichées sur un babillard, les élèves peuvent proposer des sujets d’ateliers, de cours ou de discussion selon leurs intérêts. Ils ont aussi le choix entre plusieurs propositions faites par les enseignants. Outre les matières académiques, on retrouve de la formation en : ébénisterie, sculpture de roches, fabrication de papier, création de vêtements, danse, théâtre, atelier de médiation et résolution de conflit, création de jeux vidéo, etc. Ces propositions sont affichées sur un horaire hebdomadaire accroché dans le corridor. Les cours ne sont pas obligatoires, mais pour certains d’entre eux comme le théâtre, les élèves doivent s’engager à y aller jusqu’à la fin du projet. Beaucoup de jeux et de matériel sont à la disposition des élèves et un parc avec des modules de jeux et de grands espaces entourent l’école.
Les élèves sont libres d’aller où ils veulent sauf pour certains locaux où les petits ont la priorité. Quelques salles sont fermées à clé, les élèves qui obtiennent un permis peuvent y aller sous la supervision souvent distante du Ruckenfrei : sciences, artisanat, atelier de bois, cuisine. Le Ruckenfrei (dos libre) est un employé de l’école disponible durant les cours. Il répond aux besoins des élèves qui ne sont pas en classe et gère les clés. Du côté des plus vieux, l’ambiance est très calme durant les cours. Certains élèves n’y vont pas, mais c’est souvent parce qu’ils ont d’autres projets donc il y a peu de flânage dans les corridors.
J’ai assisté à quelques cours et j’ai été surpris de voir l’implication et l‘autonomie des élèves. Lors d’un cours de mathématiques, l’enseignante était absente, mais les élèves étaient présents et travaillaient en petits groupes, les plus avancés proposant leur aide à ceux qui avaient de la difficulté. J’ai vu le même genre de comportement de prise en charge par les élèves lors du cours de théâtre. Avant que l’enseignante arrive, les élèves se sont placés en petits groupes et pratiquaient des scènes et relisaient leur texte. Lorsque celle-ci est arrivée, un adolescent dit quelque chose (mes notions d’allemand étant assez limitées…) et les élèves se sont placés en cercle en silence. L’enseignante n’est pas intervenue pour demander le calme. Encore, à un cours d’anglais, les élèves étaient fatigués de faire des exercices de vocabulaire et de grammaire, l’un d’eux a dit qu’il était capable de les faire chez lui, qu’il préférait faire une autre activité. D’autres élèves étaient d’accord avec lui et tout le groupe a décidé de jouer au psychologue, jeu qui consiste à poser des questions aux patients (autres élèves) afin de découvrir leur maladie fictive.
Du côté des petits, des ateliers hebdomadaires sont organisés, couture créative, menuiserie, écriture, mathématiques, lecture, etc. Les enfants sont libres d’y aller ou de faire des activités libres avec les autres enfants. Les enseignants travaillent donc avec des plus petits groupes à la fois et seulement avec les élèves qui sont motivés. Comparativement aux plus grands, il y a moins de petits qui vont aux ateliers organisés par les adultes, les jeux libres sont populaires et apparemment très plaisants.
Le repas du midi est cuisiné sur place par un chef et des parents bénévoles, tout le monde se trouve une place dans l’école ou le parc pour manger. Les plus petits mangent quant à eux dans leur bâtiment. Les cours et les ateliers ont lieu durant l’avant-midi pour la plupart et en après-midi, les élèves ont le choix de rester à l’école ou de retourner à la maison. Plusieurs élèves restent, mais l’ambiance est beaucoup plus tranquille.
Gouvernance
Il n’y a pas de directeur d’école, toutes les décisions (règles de l’école, utilisation du budget, venue de visiteurs, organisation d’activités et de sortie) concernant l’école sont discutées et votées en assemblée générale où les élèves sont en majorité. Certaines décisions comme l’engagement des enseignants sont reléguées à des comités où les élèves sont les bienvenus. L’assemblée générale a lieu toutes les semaines et est organisée par des élèves plus vieux (animateur, droit de parole, organisation des propositions). Un adulte prend en note les propositions à l’ordinateur et celles-ci sont projetées à un écran. Il est donc très facile, même pour quelqu’un qui comprend peu l’allemand, de savoir ce qui se passe en gros en assemblée. La structure des prises de décisions est aussi très claire : des propositions sont affichées à l’écran, on pose des questions pour clarifier la proposition, on inscrit des contrepropositions et enfin on passe au vote.
Les adolescents participent beaucoup, ils font la majorité des interventions et prennent beaucoup d’initiatives en proposant des activités et en organisant la vie scolaire. Cette participation des élèves plus vieux encourage les plus petits : un groupe de fillettes d’environ 6 ans a présenté une proposition demandant l’abolition de leur tâche de ménage, car elles trouvaient injuste de devoir nettoyer ce que les autres avaient sali. Cette proposition fut discutée et d’autres élèves ont fait des contre-propositions, finalement après un vote de l’assemblée, la tâche de ménage n’est plus obligatoire.
L’atmosphère était parfois bruyante en assemblée puisqu’entre chaque point, les personnes pouvaient entrer ou sortir et cela leur prenait un certain temps à se trouver une place. Aussi, c’est peut-être parce qu’un groupe de jeunes garçons était concerné par un point en particulier, ils ne s’intéressaient pas aux autres points, entraient et sortaient régulièrement et criaient à leurs amis à l’extérieur pour venir voter en masse. Ça a duré jusqu’à ce qu’un élève se propose d’aller les chercher quand ils allaient discuter de leur point et que l’assemblée leur demande de quitter la salle. À noter que les enseignants sont très peu intervenus pour gérer ce problème, ce sont les adolescents qui ont émis des propositions.
Il y a une assemblée des enseignants toutes les semaines, ils discutent de pédagogie et échangent des informations sur les élèves. Ils y prennent certaines décisions afin de faire des propositions à l’assemblée générale. Par exemple, au fils des ans, énormément de règles ont été adoptées en AG et cela rendait compliquée la résolution de conflits. La plupart des gens ne connaissaient pas toutes les règles et certaines règles se contredisaient. Les enseignants ont décidé de proposer à l’assemblée d’abolir toutes les règles à l’exception de quatre, avec lesquelles la plupart des conflits sont résolus. (Initialement, les enseignants auraient voulu 5 règles, mais la tâche de ménage, comme on l’a vu, a aussi été abandonnée…) Il y a eu beaucoup de discussion autour de cette proposition et l’assemblée a finalement décidé que le sujet était trop important pour qu’elle décide seule. Elle a voté pour la proposition d’organiser une rencontre obligatoire où le projet serait expliqué, où chaque enfant serait entendu (tour de table) et après, tous voteraient. J’ai assisté à cette rencontre obligatoire et j’ai constaté à quel point les enfants ont pris cette décision avec sérieux. Finalement, les règles ont été abolies.
L’idée de proposer l’abolition des règles a d’abord été discutée par les enseignants et la présence de ce pouvoir parallèle des adultes est controversée au sein même des enseignants. Certains arguent qu’en agissant ainsi, les adultes se réservent un certain contrôle sur l’école et peuvent donner une orientation, ce qui entre en contradiction avec le principe du partage du pouvoir politique, d’autres affirment que les élèves ont aussi le droit de se réunir pour discuter afin de faire des propositions en assemblée comme l’a fait le groupe des jeunes garçons bruyants. Aussi, les adultes ne contreviennent à aucune règle de l’école en se réunissant et l’assemblée reste l’autorité ultime de l’école.
Les discussions sur le fonctionnement de l’école sont monnaies courantes parmi les enseignants. Un des sujets qui suscitent beaucoup de discussions en ce moment est le fait que l’école se cherche une nouvelle bâtisse, les adultes se demandent jusqu’où ils peuvent engager les élèves dans ce genre de décision. Il est évident qu’ils veulent que les élèves participent : il y avait une visite pour un nouveau bâtiment et les jeunes étaient invités à y aller par autobus. Il est clair que les enseignants entretiennent un processus de réflexion continue afin d’impliquer les jeunes, par l’assemblée, dans chacune des décisions de l’école.
Les parents
Les parents doivent apporter leur contribution à l’école en faisant 19 heures de bénévolat par an. Cela peut aller de l’aide à la cuisine, la surveillance au parc, l’animation auprès d’enfants, une campagne de financement, l’aide à l’entretien, etc. Les parents ont aussi une part de responsabilité lorsqu’il est temps de payer les frais de scolarité. Ils forment une assemblée de parents et des employés de l’école leur montrent le budget annuel. Selon le nombre de parents, on calcul un montant moyen et on demande à chaque famille d’écrire le montant qu’elle est prête à payer. On additionne ces montants (cela reste confidentiel) pour vérifier si on atteint le budget et on recommence l’exercice en demandant aux parents d’augmenter leur somme jusqu’à l’équilibre. De cette manière, les familles avec peu de revenus peuvent envoyer leur enfant à l’école en déboursant le montant qu’elles peuvent.
Témoignages d’élèves
Les élèves sentent qu’ils ont un esprit critique et plus de répartie lorsqu’ils se comparent à leurs amis qui ne vont pas à Kapriole. Certains témoignent que des adultes à l’extérieur de l’école sont parfois confus lorsqu’ils expriment des opinions et qu’ils discutent, les adultes n’étant pas habitués d’entendre des opinions sortir de la bouche d’adolescents de 13-14 ans. Ils apprécient prendre le temps de faire ce qu’ils veulent et ne sentent pas de pression de la part des autres. Certains de leurs amis ont dû quitter l’école parce qu’ils se disaient perdus.
Mots de la fin
Première expérience dans une grosse école avec une communauté d’élèves impliquée et dynamique : il y a des prises de décisions importantes en grand groupe et les enseignants sont en constant travail de réaffirmation de leurs valeurs. On sent que l’école bourdonne d’idées, de réflexions et de remises en question. Le sentiment est que les adultes veulent intervenir le moins possible, qu’ils se placent délibérément en retrait afin que les élèves aient la possibilité de gérer leurs problèmes. Personne ne s’ennuie dans un tel contexte et les apprentissages sont riches.
L’école fait partie d’un groupe de 4 écoles libres qui se visitent régulièrement afin d’échanger et d’avoir un regard critique et éclairé sur ce qui s’y passe. Elle fait aussi partie des écoles fondatrices de l’EUDEC (European democratic educational community).
Jean-Simon Voghel est un jeune enseignant à la retraite. Il est également un des membres-fondateurs du RÉDAQ.
Aventurijn
J’ai passé une semaine à l’école Aventurijn à Loenen en Hollande. L’école existe maintenant depuis 15 ans et accueille entre 25 et 35 élèves. Au début, elle était gérée par quatre personnes, mais elles se sont séparées après deux ans parce qu’elles ne s’entendaient pas au sens à donner à la liberté. Deux personnes ont fondé une autre école (Wonderwijs) localisée à côté, littéralement dans le même bâtiment. Cette dernière est maintenant fermée puisqu’elle recevait de l’argent du gouvernement et peu à peu, des normes plus restrictives ont fait qu’il était alors impossible de continuer en conservant les principes d’une école libre. C’est la compréhension que j’en ai eue, par contre, la véritable histoire est décidément plus complexe.
Aventurijn est une école privée sans subventions du gouvernement afin de rester indépendante. Elle a tout de même subi des inspections et doit se conformer à certaines règles concernant l’engagement des enseignants et l’obligation des enfants à être présents. Elle a adopté une position conciliante avec les inspecteurs sans toutefois se laisser imposer leur vision. Le premier inspecteur, qui est venu évaluer l’école avec les mêmes critères que les écoles publiques traditionnelles qui reçoivent de l’argent, sa conclusion était que ce n’était pas possible de maintenir l’école ouverte.
Une bonne compréhension de la loi a permis de contester cette première inspection, car l’inspecteur devait faire son travail en considérant la philosophie et les principes pédagogiques de l’école, ce qu’il n’avait pas fait. Le juge lui a donc demandé de refaire son travail. Il est retourné à l’école et a entrepris de comprendre sa philosophie et de faire des rapprochements avec les critères qu’il avait à évaluer. Il a aidé l’équipe d’enseignant à réécrire les principes pédagogiques de l’école dans un langage qui correspond aux exigences du gouvernement, sans toutefois faire de compromis sur le terrain. Les membres du personnel de l’école ont eu à prendre en notes ce que faisaient les enfants durant la journée afin de montrer à l’inspecteur qu’ils vivaient assez d’expériences enrichissantes.
Une journée à Aventurijn
L’école est organisée en trois groupes d’enfants séparés selon les âges (4 à 8, 7 à 13 et 12 à 18) et chaque groupe a son (ses) enseignant(s) et son local. Les âges sont approximatifs, car ce sont les jeunes qui décident quand ils veulent changer de groupe. Ils ont la possibilité de faire une période d’essai où ils peuvent passer d’un groupe à l’autre. Aussi, les jeunes peuvent se promener librement dans l’école ou à l’extérieur et ne sont pas cloisonnés dans leur local, ainsi, ils peuvent aller dans les autres locaux sauf si les enfants de ce groupe leur demandent de quitter.
Chaque groupe a un cercle de discussion au début et à la fin de la journée. Ce cercle est animé par l’enseignante et est suivi d’un jeu coopératif.C’est obligatoire et cela a pour but de renforcer le sentiment de communauté; auparavant, les enfants entraient et allaient directement faire ce qui les intéressaient sans nécessairement dire bonjour aux autres. Les adultes ont senti qu’il était important d’avoir un moment pour échanger, régler les conflits, discuter des projets, prendre des décisions et donner de l’information sur le déroulement de la journée. À la fin de la discussion et du jeu du matin, les enseignants proposent une activité et les élèves ont le choix d’y participer ou non. Il n’y a pas de cour à proprement parler, par contre, les élèves peuvent se donner des objectifs et demander de l’aide à l’adulte afin d’atteindre ses objectifs. Aussi, il y a du matériel diversifié à disposition qu’ils peuvent utiliser librement ou lors d’ateliers proposés par l’adulte : tissus, outils, matériel de construction (bois, récupération, ferraille, etc.), instrument de musique, matériel de sport, bibliothèque, grand jardin, enclos avec chèvres, moutons et poules, modules de jeux, aire de feux, trampoline, etc. Les espaces diversifiés sont grands avec plusieurs recoins et cachettes. Il y a toujours moyen de trouver un endroit calme ou de l’action.
Les heures de repas sont obligatoires pour les petits et moyens, car les adultes ont observé que certains enfants étaient tellement absorbés dans leur activité qu’ils en oubliaient de manger. Cela les rendait irritables et pouvait provoquer des conflits ou des tensions. En contrepartie, il y a des tensions lorsque les enseignants tentent, parfois sans succès, de demander aux élèves de venir manger. Les adultes se positionnent en observateurs et proposent une structure (ou non) selon les manques qu’ils perçoivent. Il y a donc une marge de manoeuvre à la liberté qu’on laisse selon si l’enfant se développe bien dans la structure ; selon eux, certains enfants ont besoin de règles plus strictes et d’autres ont besoin de plus d’espace pour se développer. Étant donné mon cours passage, je ne sais pas quel est le rôle de l’adulte et celui de l’enfant dans l’établissement des structures qui guident sa vie, probablement cela varie d’une intervention à l’autre, d’une personne à l’autre. Par contre, je comprends qu’il y a une volonté de comprendre les motivations et les intérêts de l’enfant tout au long du processus : si un enfant conteste la structure, on le questionnera sur son intérêt et sur l’intérêt d’avoir une structure. Il y a donc la volonté constante de communiquer et de comprendre l’autre.
Gouvernance
Il n’y a pas d’assemblée d’école régulière parce que les adultes ont constaté que la plupart des élèves ne s’y intéressaient pas. Par contre, la directrice de l’école m’a dit qu’ils ont la possibilité d’en demander, s’ils en ressentent le besoin. Cependant, quelques adolescents que j’ai questionnés à ce sujet n’étaient pas au courant. Peut-être qu’ils étaient nouveaux dans l’école, que les assemblées d’école sont habituellement réclamées par des adultes ou encore que ces questions sont réglées durant le cercle du matin, car la majorité des discussions ont lieu dans les 3 (un pour chaque classe) cercles du matin et du soir.
Je n’ai pas su si les élèves étaient en mesure de changer les règles de l’école ou de classe durant ces rencontres du matin et du soir. Aussi, les discussions du matin et du soir n’ont pas de structure fixe comme l’aurait une assemblée, les enfants n’ont donc pas conscience nécessairement qu’une structure existe (si elle existe) appuyant leurs prises de décisions. Par contre, il peut y avoir des réunions pour discuter spécifiquement d’une situation (exemple, les règles d’utilisation du trampoline), mais je ne pense pas que ce sont les enfants qui prennent l’initiative de faire ces réunions.
Un exemple, lorsque j’étais présent, il y avait une sortie d’organisée pour aller visiter la station d’épuration des eaux s’adressant aux élèves plus vieux. Certains adolescents ne voulaient pas y aller, mais n’ont pas de structure officielle afin d’exprimer leur désir de rester à l’école. Je n’ai pas su si les enseignants étaient au courant de la volonté de certains élèves de rester à l’école, par contre, les élèves m’ont dit qu’ils étaient obligés de suivre le groupe. Aussi, certains jeux (les cartes Magic, jeux à l’ordinateur) sont interdits avant une certaine heure, les élèves s’en plaignent, mais n’ont pas, du moins, ignorent qu’ils ont un de pouvoir politique pour changer les règles, malgré le discours officiel affirmant le contraire. Du moins, ce pouvoir politique sur les règles et la gestion de l’école n’est pas exprimé clairement dans la structure de l’école.
Un autre aspect important de l’école est qu’il n’y a pas de structure définie pour régler un conflit. On fait confiance en l’enfant pour qu’il voit par lui-même que son geste demande réparation, les adultes lui demandent parfois d’écouter les autres, mais on laisse aux enfants le soin de trouver les solutions. Les enseignants misent sur la prévention en faisant des jeux coopératifs, en utilisant la communication non violente, les discussions, ou en montrant les images de cristaux de glace de Masaru Emoto.
Les parents
Plusieurs parents sont impliqués dans l’école comme bénévole, pour l’animation d’activités, l’entretien du jardin, l’entretien des bâtiments, pour l’entretien ménagé, etc. Le ménage quotidien (balai, vaisselle, rangement) de leur local est fait pas les élèves, les parents font les travaux plus gros, par exemple, préparer l’école aux journées portes ouvertes ou le ménage des toilettes. Aussi, l’école est ouverte à la présence de parents, surtout pour les plus petits, afin de permettre une transition douce entre la famille et l’école. Il y a la possibilité pour les petits de commencer l’école progressivement en commençant par 2, 3 jours par semaine.
Les adultes qui s’impliquent connaissent les valeurs de l’école et la plupart adoptent une attitude cohérente avec les employés. Par contre, la présence d’adulte qui aurait une attitude différente avec les enfants ne semble pas déranger, on accueille la diversité et on considère que les enfants sont en mesure de comprendre que les adultes ne réagissent pas tous de la même manière. On voit cette diversité comme une source d’apprentissage pour tous.
Témoignages
Les parents et les enfants ont témoigné avoir senti une grande différence s’ils arrivaient de l’école traditionnelle. D’abord sur leur état de santé et sur leur niveau de confiance qui s’améliore après la transition ; il faut dire que s’ils ont choisi de changer, c’est que souvent ça ne fonctionnait pas bien dans leur ancienne école. Plusieurs évoquent l’adaptation qu’ils ont dû faire, les enseignants parlent de se déséduquer, c’est-à-dire que l’enfant doit reprendre le contrôle de sa vie et ne plus attendre qu’un adulte vienne lui donner des consignes. Cette transition est importante à comprendre, car durant ce temps, l’enfant n’est pas très actif aux yeux de l’adulte, ne démontre pas vraiment d’intérêt pour quoi que ce soit et se réfugie dans la facilité (jeux d’ordinateurs, bandes dessinées, certains se plaignent qu’ils s’ennuient, mais ne font rien). Les élèves plus vieux qui sont arrivés de l’école traditionnelle m’ont dit que ça leur a pris autour d’un an pour se sentir responsables de leur propre sort et de se sentir autonomes et actifs. Il y a aussi le sentiment que l’école transmet des comportements et des habitudes entrepreunariales en laissant les enfants approfondir des sujets qui les intéressent.
Mots de la fin
À Loenen, j’ai pu rencontrer les premiers adultes qui ont vécu toute leur scolarité dans des écoles libres. D’abord, Rob se dit être une tête libre, il n’accepte pas les vérités seulement parce que beaucoup les pensent ou parce que quelqu’un le dit. Il se considère marginal, curieux et enthousiaste. Il a démarré deux entreprises : une pour donner des formations d’orientation pour aider les gens à trouver l’emploi qui leur convient. L’autre pour conseiller les gouvernements sur ce qu’ils devraient faire pour que les gens trouvent des emplois qui leur conviennent. Aussi, il gère une équipe de 35 personnes qui organise la transition de certains pouvoirs politiques du national vers le municipal en Hollande : seulement la Suède a fait une transition semblable. Sa compagnie est engagée par le gouvernement pour faire ce travail et pourtant, il n’a pas de formation supérieure.
Ensuite, Pepijn a fait toute sa scolarité à Aventurijn. Il est passionné d’informatique et a appris par lui-même. Il est allé à l’université et a constaté que les programmes étaient deux ans en retard sur ce qu’il connaissait. Il n’a pas pu avoir de dérogation pour aller à un niveau supérieur, donc il n’y est pas allé. Il a eu un emploi payant dans son domaine mais il a quitté parce qu’il trouvait ça ennuyant. Maintenant, les entreprises l’appellent pour qu’il vienne travailler pour elles. Il n’a pas encore 25 ans et veut partir sa propre entreprise parce que travailler pour les autres ne représente pas assez de défi.
Combien de personnes qui n’ont pas été dans l’obligation d’apprendre sont capables de plus que la majorité ?
Jean-Simon Voghel est un jeune enseignant à la retraite. Il est également un des membres-fondateurs du RÉDAQ.
Sudbury School Gent
Premier arrêt de ce voyage à Gent (Gand) en Belgique où j’ai visité une petite école d’une employée à temps plein et de 17 élèves: http://www.sudbury.be (si vous lisez le Flamand). L’école existe depuis cinq ans et est située en périphérie de Gent dans un bâtiment résidentiel. Ce n’est pas le premier bâtiment que l’école occupe.
L’organisation a d’ailleurs eu des difficultés à louer un emplacement qui corresponde à ses attentes. Elle occupa d’abord une ancienne infirmerie abandonnée qui devait être démolie sous peu. Ils ont pu y commencer l’école gratuitement et avoir un temps (quatre mois) pour trouver quelque chose d’autre. Ensuite, ils ont loué une maison qui ne correspondait pas vraiment à leurs attentes car il y avait très peu d’espace, peu de terrain et c’était sur une rue très passante. Ils y sont restés pendant un an. Maintenant, le bâtiment qu’ils occupent est satisfaisant pour le nombre d’élèves, mais ils vont devoir trouver autre chose s’ils veulent grossir.
Comme le nom de l’école l’indique, elle s’inspire du modèle de l’école Sudbury Valley à Farmingham, aux États-Unis. Une des particularité qui distingue les écoles Sudbury des autres écoles libres est que les enseignants ne proposent ni cours ni activité. Ils font partie de la communauté au même titre que les élèves. Ce sont donc les jeunes et les adultes qui organisent la vie de l’école en créant des comités et en s’y impliquant ( sorties, accueil des nouveaux, engagement des profs, comité de justice, comité des fêtes, comité des multimédias, etc.). Tout est donc mis en place pour que les élèves se sentent responsables de ce qui arrive à l’école : les adultes ne sont pas là pour leur organiser des activités. Il existe beaucoup de documentation expliquant le modèle de l’école Sudbury. Plutôt que d’en faire une description exhaustive je vous recommande le site internet http://www.sudburyvalleyschool.org/ où il y a énormément d’informations.
Une nouvelle loi en Belgique ferait entrer cette école dans la catégorie de l’école à la maison, et cela aurait comme effet que les enfants devraient subir une évaluation du gouvernement. Les élèves ainsi que l’employée étaient au courant de la loi qui s’en venait et ont fait un travail en aval afin d’éviter qu’elle entre en vigueur. Ils ont entre autres contacté un politicien qui devait voter cette loi, mais ils ont senti qu’il ne comprenait pas les enjeux qu’ils exprimaient. Ils sont allés au parlement flamand pour voir comment les politiciens parlaient de cette nouvelle loi et ont constaté que cela ressemblait à un cirque en comparaison de leur assemblée d’école. Ils ont fait appel à un avocat, spécialiste de la constitution ; la constitution belge garantit aux parents le droit d’élever leur(s) enfant(s) en accord avec leurs valeurs religieuses ou philosophiques. En ce sens, la nouvelle loi serait anticonstitutionnelle. Ils sont donc en cour afin de contester cette loi. À noter que la décision d’aller en cour pour contester la loi (donc de payer pour engager un avocat) a été prise en assemblée générale, ce sont donc les élèves en bonne partie qui ont pris cette décision.
Une journée à l’école Sudbury de Gent
Les heures d’arrivée et de sortie sont flexibles. Lorsque les élèves arrivent ou partent, ils inscrivent l’heure sur une feuille affichée au babillard. Cette feuille sert à compiler les présences et à montrer aux autorités que l’école est en règle, car il y a un nombre de 23 heures de présence obligatoire à l’école par semaine. C’est cependant la responsabilité de la famille et de l’élève de s’assurer qu’il est présent à l’école un certain nombre d’heures. Il n’y a pas de surveillance ou de suivi par l’employée de l’école, et de toute manière, beaucoup d’élèves passent plus de temps à l’école. La flexibilité des heures d’arrivée et de départ fait en sorte que les gens arrivent au compte goutte durant tout l’avant-midi et ont parfois de la difficulté à quitter en après-midi, puisque ce qui se passe à l’école est trop intéressant (les parents en profitent pour parler bien sûr). Les élèves ont de 4 à 16 ans ( l’école peut accueillir de 2,5 à 18 ans) et il n’est pas rare de les voir se mélanger, c’est-à-dire de voir un plus vieux aller jouer avec les petits, ou un petit qui observe et joue avec les plus vieux.
On observe une atmosphère calme et détendue dans l’école, chacun étant occupé à ses propres affaires ou à un jeu de groupe, les enfants n’ont pas le temps d’être en conflit. Ces derniers sont vite réglés, souvent sans intervention d’adulte, pour continuer à jouer. Il n’y a ni horaire, ni cloche, ni pression des adultes pour faire quoi que ce soit : les assemblées hebdomadaires ne sont pas obligatoires, les comités se rencontrent lorsqu’ils le veulent, les gens mangent lorsque ça leur tente, ils décident eux-mêmes de changer d’activité. Ils ont aussi l’entière liberté de ne rien faire s’ils le décident, il n’y a personne pour juger si les élèves utilisent leur temps de façon productive.
Il n’y a pas de cours de proposés, les enfants plus jeunes jouent en groupe la plupart du temps, parfois avec des adultes (parents, bénévoles, visiteurs) ou avec des élèves plus vieux. Ceux-ci jouent avec les enfants plutôt que de contrôler le jeu avec des règles ou des limites. Celles-ci étant déjà établies en groupe dans les assemblées, tous ont la responsabilité de les rappeler.
Les plus vieux discutent, étudient, jouent (ordinateur, jeux de société, avec les plus jeunes) et gèrent la vie en communauté en faisant des assemblées et en participant à des comités. Si les élèves décident qu’ils veulent un cours, ils peuvent en faire la demande en assemblée et un comité se chargera de trouver un prof si la demande est acceptée. Le rôle de l’employé est surtout d’entretenir la vie de communauté en discutant avec les parents et les élèves et en participant aux assemblées et comités. L’employée de l’école n’agit pas au titre d’enseignante : elle donne très rarement des cours, seulement si un élève le lui demande. Elle participe aux assemblées, à différents comités et elle discute souvent dans la salle à manger avec des intervenants, visiteurs, parents et enfants.
Gouvernance
L’assemblée d’école est la plus haute autorité et se déroule toutes les semaines. Sous l’assemblée, il y a les comités qui sont spécialisés selon certains sujets : multimédia qui s’occupe de la flotte d’ordinateur, secrétaire qui s’occupe d’animer les assemblées, justice qui s’occupe de la gestion des plaintes, engagement des profs qui cherche des enseignants s’il y a une demande de cours, fête, etc. Les comités peuvent prendre des décisions de leur domaine et proposent des idées à discuter en assemblée. Expliquée autrement, l’assemblée délègue de ses pouvoirs lorsqu’un comité est créé. Les comités sont formés par les élèves et souvent l’employée. Ils se rencontrent de manière plus ou moins formelle selon les besoins. Les élèves peuvent s’impliquer dans un comité s’ils veulent participer à la vie de la communauté ou peuvent faire des propositions directement en assemblée.
La structure de gouvernance est bien comprise par les élèves que j’ai rencontrés et ils s’y impliquent. Cette transparence et cette ouverture aux prises de décisions témoignent d’une réelle confiance envers les enfants : ils sont en mesure de répondre à leurs besoins, et ce, de manière plus efficace que si un adulte organisait leur horaire. Les jeunes ont l’occasion de prolonger une activité aussi longtemps qu’ils le souhaitent, et ils organisent la transition entre les jeux par eux-mêmes. Aussi, les élèves sont responsables les uns envers les autres, ils ont une forme d’autorité pour faire respecter les règles qu’ils ont votées puisqu’ils ont le pouvoir de faire une plainte si une autre personne ne respecte pas un règlement. Aussi, ils se sentent responsables puisqu’ils ont participé à leur mise en place.
Le processus de plaintes est connu de tous, les plaintes sont gérées par le comité de justice et il ne cherche pas à trouver des coupables, mais plutôt à comprendre les besoins de chacun et trouver une solution satisfaisante pour le plaignant et l’accusé en considérant les règles qui ont été votées en assemblée. Lorsque j’étais présent, la majorité des plaintes concernaient les règles du ménage.
Témoignages
Les élèves à qui j’ai parlé m’ont rapporté avoir vécu un gros changement en rapport à leur ancienne école. Ils apprécient maintenant la mixité des âges puisqu’ils peuvent prendre le rôle de tuteur, aider et jouer avec les plus jeunes. Aussi, ils sentent que cette relation les aide à mieux se connaître comme personnes. Ils ne sentent plus la pression d’avoir de bons résultats; cela a pour effet qu’ils se sentent plus en confiance ou en santé. Ils ont la sensation que le travail qu’ils font, ils le font pour eux et non pour prouver aux autres (adultes) qu’ils sont intelligents. Aussi, ils apprécient avoir le pouvoir de s’impliquer significativement dans le fonctionnement de l’école, ils sentent qu’ils sont les premiers responsables de ce qui leur arrive, s’ils s’ennuient, c’est à eux-mêmes de se trouver quelque chose à faire. Ils sentent qu’ils prennent le contrôle de leur vie et de leur personne.
Relation avec les parents
Certains parents qui y inscrivent leur(s) enfant(s) ne sont pas nécessairement en accord avec tous les principes de l’école. Ils les inscrivent parfois parce que l’enfant ne répond pas bien à l’école traditionnelle. Cela peut mettre les jeunes dans une situation incohérente entre l’école et leur famille. Pour cette raison, l’école organise des soirées d’information afin d’expliquer le mode de fonctionnement et la philosophie de l’école. Un des principaux enjeux est de faire diminuer la pression sur les enfants afin qu’ils se sentent en toute liberté dans leurs apprentissages. En effet, certains parents entretiennent des attentes de résultat envers l’école ou ont des doutes. Il y a donc un travail constant d’explication et de réaffirmation des principes de l’école. Aussi, ces soirées d’information permettent aux parents de mieux comprendre les principes de l’école afin d’être en mesure de répondre d’abord à leurs propres questions, mais aussi aux questions de leur entourage et leur famille. Des parents s’impliquent dans l’école en venant jouer avec les enfants et en faisant du bénévolat. Certains veulent faire des propositions et ainsi influencer le fonctionnement de l’école ce qui va à l’encontre de la structure des écoles Sudbury puisque les décisions doivent être prises durant les assemblées d’école où les parents ne sont pas admis.
Mots de la fin
Dans cette école Sudbury, j’ai été en contact avec des enfants et adolescents qui ne vivent aucune pression de la part d’enseignants ou de l’école. Les écoles Sudbury refusent le rôle de l’adulte comme un enseignant qui doit montrer et laissent donc énormément de pouvoir et de choix aux enfants. Sur le spectre des écoles libres et démocratiques, elles sont parmi celles qui laissent le plus de pouvoir aux enfants. Ceux-ci étaient émancipés, responsables, participaient à la vie de la communauté et appréciaient la confiance que leur témoignaient les adultes.
Jean-Simon Voghel est un jeune enseignant à la retraite. Il est également un des membres-fondateurs du RÉDAQ.
Éducation libre et démocratique en Europe
Durant ma formation universitaire en enseignement au primaire, on a très peu parlé des écoles libres ou démocratiques. Lorsqu’on en parlait, c’était surtout d’un point de vue historique en adoptant l’hypothèse que l’éducation libre a été une expérience, mais qu’elle a échoué, ou que certaines écoles survivaient parce qu’elles avaient un directeur charismatique.
Pourtant, sur tous les continents, des écoles continuent de transmettre les valeurs de l’éducation démocratique/libre. Deux amis m’ont donné le goût de voir ce qui se passait en Europe et de visiter ces écoles. Durant ce voyage, j’ai pu visiter une douzaine d’écoles démocratiques/libres et je veux partager ce que j’ai vu. Ce récit ne se veut pas une recherche exhaustive ou scientifique. Je m’y suis intéressé car je crois pouvoir y voir des exemples de motivation intrinsèque et de différenciation pédagogique, des idées qui ont captées mon attention à l’université.
Motivation intrinsèque
Être motivé intrinsèquement, c’est agir selon ses propres convictions. Mes cours universitaires ont été clairs sur ce point : apprendre est plus facile si l’apprenant a une motivation intrinsèque. Par contre, où je considère qu’il y a un manque de cohérence, c’est lorsqu’on donne la responsabilité à l’enseignant de susciter la motivation intrinsèque des élèves en planifiant des activités significatives. Selon mon interprétation, il s’agit d’un détournement de la motivation intrinsèque, ou pire, d’une manipulation. Pour réellement prendre en compte la motivation intrinsèque d’un individu, j’ai l’impression qu’il faut lui laisser le pouvoir de faire ce pour quoi il est motivé. Le caractère obligatoire du programme, des évaluations et de la fréquentation scolaire, impose de sérieux obstacles à la motivation intrinsèque à l’école. Ces éléments externes limitent les individus scolarisés et les poussent à produire des réponses et des comportements stéréotypés plutôt que d’être authentiques. Et si nous offrions aux enfants la possibilité d’agir selon leur motivation intrinsèque, probablement que plusieurs d’entre eux voudraient jouer plutôt que de suivre un enseignement formel. En allant visiter des écoles libres/démocratiques, je voulais observer ce que fait un enfant qui vit la motivation intrinsèquement et ce qu’il devient en grandissant. Je voulais aussi voir comment les membres du personnel des écoles organisent leur travail pour permettre aux enfants de vivre pleinement leur liberté et leur autonomie.
Différenciation pédagogique.
La différenciation pédagogique signifie que l’équipe d’enseignants individualise l’enseignement en changeant les contenus, les processus et les productions afin de favoriser la réussite de tous. Les élèves ont donc différents parcours scolaires selon leurs connaissances, leurs intérêts, leur profil d’apprentissage, etc. La différenciation pédagogique offre des stratégies aux enseignants pour que les élèves restent motivés dans leur travail. Par contre, dans un contexte scolaire, l’enseignant garde souvent le contrôle en planifiant les activités et en offrant des choix de différenciation à un élève ou à un groupe d’élèves selon ses caractéristiques afin de respecter le programme, la structure de la classe et de celle de l’école.
Cette diversification des parcours entraine une redéfinition du rôle de l’enseignant en lui donnant plus de responsabilités et en le faisant évoluer dans un environnement de plus en plus complexe. Cela dit, il m’apparaît improbable qu’une équipe d’enseignants parvienne à évaluer sans erreurs les besoins de chaque élève, comprenne les différents mécanismes d’apprentissage, connaisse les ressources qui conviennent le mieux et différencie les évaluations selon le parcours de chaque élève. Il y a plusieurs zones d’incertitudes dans le processus étant donné qu’à chaque étape se pose un choix et qu’on met souvent la responsabilité du choix sur l’équipe-école. Cela m’apparait surprenant étant donné que l’élève semble le mieux placé pour savoir ce qu’il vit, ce qu’il comprend et ce qui l’intéresse. Dans les écoles démocratiques/libres, les enfants vivent une éducation individualisée, mais partagent à différents degrés la responsabilité des différenciations avec les enseignants et les autres élèves. J’étais curieux de voir comment les principes de la différenciation pédagogique s’appliquaient en éducation démocratique/libre.
Voici des points communs que les écoles partagent.
Dans toutes les écoles démocratiques/libres, il y a la possibilité pour les jeunes d’obtenir l’équivalent du diplôme d’études secondaires. Parmi les écoles que j’ai visitées, certaines administrent les évaluations et donnent les diplômes elles-mêmes. Par contre, la plupart ne fait pas passer les évaluations et ne donne pas les diplômes d’études secondaires puisque les évaluations sont contraires à leur philosophie, mais cela n’empêche pas l’enfant d’avoir son diplôme. Les écoles ont souvent une entente avec une école publique voisine pour que leurs élèves soient évalués. À d’autres endroits, les élèves qui veulent passer les évaluations vont à un bureau du gouvernement. Parfois, ce sont les parents qui sont responsables d’y inscrire leurs enfants, d’autre fois, l’école s’en charge. Le point commun de l’ensemble des écoles démocratiques/libres est qu’il existe toujours l’option pour l’élève de faire des études postsecondaires.
Dans les écoles que j’ai visitées, le taux de diplomation est semblable, sinon supérieur à la moyenne nationale. Même si les évaluations ne sont pas un passage obligé dans la grande majorité des écoles démocratiques/libres, les élèves comprennent bien la symbolique du diplôme comme permis de travail ou pour poursuivre des études supérieures. Ceux-ci en prennent conscience à l’adolescence et, même s’ils ne sont jamais (ou rarement) aller à un cours, ils obtiennent leur diplôme après aussi peu qu’un ou deux ans de préparation.
Plusieurs personnes ont fait mention d’une période d’adaptation lorsqu’un élève fait une transition de l’école traditionnelle à l’école démocratiques/libres. Plusieurs de ces élèves étaient auparavant en situation d’échec, vivaient de la violence ou de l’anxiété dans le système scolaire traditionnel, et pour ces raisons, leur famille a cherché une autre école. La période d’adaptation est comprise et expliquée de différentes manières par les responsables des écoles, les parents et les élèves. Celle-ci est d’abord conçue comme une déscolarisation c’est-à-dire que l’individu doit maintenant prendre des décisions par lui-même plutôt que de suivre les consignes de l’enseignant. Ensuite, cette période d’adaptation est comprise comme d’un processus de guérison, l’enfant se repliant sur lui-même pour puiser des ressources afin d’affirmer sa personnalité et de communiquer son(es) trauma(s.) Enfin, elle est aussi vue comme une manière de vérifier la véracité de ce qui est dit sur l’école (est-on vraiment libre?), de tester les limites, et d’établir une relation de confiance avec leur nouvelle communauté.
Durant cette adaptation, qui est graduelle et qui peut s’étendre jusqu’à deux ans, l’enfant se responsabilise et (re)prend le contrôle de sa vie. Pour certains élèves, l’adaptation est rapide et salutaire, pour d’autre, elle peut prendre la forme d’un repli sur soi, d’un manque de motivation, du sentiment d’ennui et de gestes ou paroles violentes.L’enfant se limite à des activités faciles et peu engageantes, jusqu’à ce qu’il ait la motivation intrinsèque de faire quelque chose de plus significatif. Pour cette raison, toutes les écoles reconnaissent que c’est plus facile lorsqu’un élève commence sa scolarité avec elles, et toutes ont eu à expliquer cette adaptation de l’enfant qui peut parfois être interprétée par les parents comme une régression.
Les écoles ont toutes eu à expliquer leur philosophie, leurs valeurs et leurs actions soit aux élèves, aux parents, aux visiteurs, à l’état (inspecteurs) ou aux tribunaux, et continuent à le faire. Elles ont donc un travail constant de communication à réaliser, ce qu’elles font de manière plus ou moins structurée.
Dans toutes les écoles démocratique/ libres, il y a une structure de décision collective où les élèves sont présents et ont un pouvoir décisionnel. Les élèves sont donc appelés à se responsabiliser et à participer aux décisions de l’école. Le niveau de confiance des adultes envers les enfants varie d’une école à l’autre, et s’exprime dans l’attitude adoptée par ceux-ci, et le niveau de contrôle qu’ils exercent. La plupart des écoles tendent vers une relation d’égalité entre les enfants et les adultes, par contre, elles se distinguent dans la manière que s’exprime cette égalité.
Ce qui distingue les écoles les unes des autres
Même dans leurs ressemblances, les écoles démocratiques/libres sont diversifiées et ne s’appuient pas sur un type de pédagogie particulier. Elles sont toutes teintées de la personnalité des gens qui les constituent et elles évoluent au cours de leur existence. Je me suis donc intéressé à l’histoire de ces écoles et à la motivation des gens qui y participent. Je voulais aussi connaître les perceptions que les gens ont de l’école, comment ils se définissent, quel sens donnent-ils à la liberté, à la démocratie, à l’éducation.
Cette diversité s’exprime notamment dans les structures organisationnelles et la répartition du pouvoir politique: où est la frontière entre le pouvoir des adultes et le pouvoir des enfants? Tous les adultes rencontrés veulent avoir des relations plus égalitaires avec les élèves, mais comment cette égalité se transpose-t-elle dans les relations entre les employés, les jeunes et les parents? Quelle est la philosophie de l’école et comment cette philosophie se traduit-elle dans la structure et le comportement des gens?
Les écoles entretiennent aussi différentes relations avec l’état, certaines recevant des subventions, d’autres refusant de faire des compromis dans leur philosophie pour avoir droit aux deniers publics, préférant ainsi rester autonomes. Comment les écoles se positionnent-elles face aux lois et au gouvernement? Ont-elles eu à contester certaines lois, sont-elles menacées par ces lois, sont-elles indépendantes financièrement?
Finalement, un autre aspect qui différencie les écoles libres/ démocratiques est la compréhension et l’interprétation de ce qu’est l’apprentissage. Les différentes interprétations ont des répercussions sur l’organisation de l’école et sur les relations entre les individus, puisque c’est souvent au nom de l’apprentissage que les adultes justifient une inégalité dans leurs relations avec les enfants. Aussi, la compréhension que les adultes ont de l’apprentissage (ses finalités) influencera les activités qu’ils vont proposer et le matériel qu’ils vont utiliser.
Pourquoi l’écrire?
Je ne tenterai pas de répondre à ces dernières questions directement, mais elles ont guidé ma réflexion tout au long de mon voyage. Je vais plutôt décrire l’histoire et l’organisation des écoles, rapporter les témoignages des élèves, des enseignants et des parents afin de dresser un portrait de l’éducation libre et démocratique en Europe. Je pense qu’il y a là matière à réflexion et plusieurs pistes de réponse. Écrire est une manière pour moi de prendre une distance face à ce que j’ai vu, afin d’organiser mes observations et d’en intégrer le contenu. C’est donc un regard personnel qui ne prétend pas être objectif. Je rapporte ce qui m’a marqué et ce que je considère comme des signes distinctifs des écoles, selon mon interprétation.
Bon voyage.
Jean-Simon Voghel est un jeune enseignant à la retraite. Il est également un des membres-fondateurs du RÉDAQ.
Mes élèves ont décidé pour qui j’allais voter
Je suis impliqué dans le mouvement des écoles démocratiques depuis 2009 parce que je crois au partage égalitaire des pouvoirs décisionnels et donc au potentiel de la démocratie que ce soit dans le monde de l’éducation qu’ailleurs. Cela ne veut pas nécessairement dire que je crois de manière absolue en notre système «démocratique» de gouvernement au Canada et au Québec. Par exemple, je suis mal à l’aise à l’idée qu’on puisse voter pour des êtres humains (nos député(e)s), mais pas pour des idées ou des projets de société. De plus, j’ai de la difficulté avec la définition de citoyen qui semble se baser surtout sur la notion d’âge et qui, par conséquent, exclut une grande partie de la population, les moins de 18 ans, groupe qui est affecté par les décisions prises par le gouvernement. Une des raisons souvent soulevée afin de justifier une limite d’âge est que l’enfant de moins de 18 ans n’est pas prêt à voter. Or, comment peut-il le devenir? Est-ce après avoir fait le tour du soleil 18 fois qu’on devient prêt? Je ne crois pas. En fait, je crois ardemment que l’on apprend en faisant, donc, dans ce cas-ci, à force d’exercer son droit de vote tout comme on apprend à être un parent surtout en le devenant et, non pas, en suivant un cours (bien qu’on puisse tout de même apprendre certaines choses dans un cours). En discutant des élections avec mes élèves de Compass, un type d’école démocratique à Ottawa, l’une d’entre eux me demanda de ne pas voter pour Harper. Je lui ai donc demandé pour qui elle voterait si elle le pouvait. Elle me dit que pour l’instant, elle ne le savait pas et qu’elle allait décider et s’engager dans ce genre de prises de décision que lorsqu’elle allait avoir 18 ans. Or, cela n’implique-t-il pas qu’avoir pu voter lors de cette élection, elle aurait entrepris de s’informer davantage sur les différents partis politiques et de contribuer au débat public? Peut-être que oui, peut-être que non, mais je suis persuadé que cela aurait été le cas pour plusieurs jeunes.
Depuis plus de 2 ans, je donne des cours d’actualité à Compass. Cette semaine afin d’impliquer les jeunes davantage dans la conversation entourant les élections, j’ai décidé que j’allais voter pour qui ils me diraient de voter. Lorsque j’ai fait l’annonce que c’est ce que j’allais leur demander lors de mon cours, la classe n’avait pas encore commencé qu’un débat, que j’ai préféré arrêter pour le garder pour le cours, commença pour une quinzaine de minutes. Je m’étais dit que j’allais commencer par demander à mes élèves pour qui ils voteraient s’ils le pouvaient, pour ensuite, les faire participer à la boussole électorale afin qu’ils puissent voir si leurs intentions de vote correspondaient à leurs convictions par rapport aux différents enjeux électoraux. Toutefois, étant dans un milieu d’apprentissage démocratique, tant le contenu que le format de mes cours sont décidés démocratiquement, car, après tout, mes jeunes peuvent choisir s’ils vont en classe ou pas. Conséquemment, mon groupe opta pour effectuer la boussole électorale collectivement. J’ai rapidement pu apprécier ce choix. En effet, je fus très surpris du niveau auquel l’activité fut propice au débat. Dans la boussole électorale, les participants sont amenés à prendre position sur un énoncé en choisissant parmi des options comme très favorable à l’idée, passablement favorable, neutre… Or, en passant d’un énoncé à l’autre, je n’avais même pas à lire l’énoncé que le groupe commençait déjà à débattre quelle option choisir et pourquoi la choisir. Dans plusieurs cas, nous réussîmes à nous entendre sur le choix à faire, bien que pour quelques enjeux comme l’avortement, la criminalité, l’implication du Canada par rapport à l’État islamique, les différences de points de vue furent plus notoires. Autre constatation que j’ai pu apprécier, dans ce contexte d’apprentissage où il n’y a pas d’évaluation ou de compétition, plusieurs élèves furent à l’aise de poser des questions lorsqu’ils ne comprenaient pas un enjeu, ce fut notamment le cas quant aux pouvoirs du Sénat et de la Reine au Canada. Par ailleurs, étant donné que les jeunes peuvent choisir s’ils fréquentent mes cours ou pas, cette activité attira des élèves qui, autrement, ne venaient pas au cours d’actualité, alors qu’un des élèves qui assiste fréquemment à ce cours choisit de quitter en plein milieu du cours après m’avoir informé qu’il ne voulait pas que je vote pour Harper.
Au bout du compte, selon la boussole électorale, les convictions de mon groupe étaient plus près de celles du Parti libéral que de celles des autres partis. Par ailleurs, étant ontariens, ils furent très surpris et mécontents pour certains de voir à quel point leurs positions par rapport aux enjeux étaient proches de celles du Bloc québécois. Après avoir analysé nos résultats, je leur ai demandé pour qui ils voulaient que je vote. Il y eut un certain appui pour le Parti vert et le NPD, mais ce fut le Parti libéral qui l’emporta, alors que les Conservateurs ne reçurent aucun vote. De plus, inquiet de l’influence que je peux avoir sur mes jeunes lorsque je donne ce cours, par souhait de transparence, j’ai voulu leur demander s’il pouvait deviner pour qui j’aurais voté si je ne leur avais pas demandé pour qui voter, et ce, afin qu’ils puissent mettre des bémols sur mes propos lors de futurs cours. Certains furent surpris d’entendre pour qui j’aurais voté alors que d’autres furent déçus.
J’ai donc fini par voter par anticipation pour le Parti libéral. Je vais assurémment tenter de répéter l’exercice lors de prochaines élections. Malgré tout, cette activité peut s’effectuer dans d’autres milieux scolaires qu’une école démocratique. Par ailleurs, elle possède tout de même quelques limites. Par exemple, j’aurais souhaité qu’on réussisse à prendre plus de temps pour associer les différentes positions par rapport à chaque enjeu aux différents partis. Néanmoins, un indice que j’aime bien utiliser pour juger d’une activité que j’effectue en classe est à savoir si le débat ou la conversation autour de l’activité continue une fois le cours terminé et, dans ce cas, la discussion continua longtemps engageant tant la co-directrice de Compass que des jeunes qui n’avaient pas assisté au cours voulant savoir pour qui leurs camarades allaient me faire voter.
Marc-Alexandre Prud’homme est le fondateur du RÉDAQ. Il enseigne à temps partiel à Compass à Ottawa et travaille comme chargé de cours en éducation à l’UQAC.
L’école alternative de mes enfants
J’ai grandi dans un petit village du Bas-St-Laurent. J’ai fait la pré-maternelle à l’âge de quatre ans et, par la suite, il n’y avait qu’une petite école primaire dont les classes étaient en majorité jumelées. Au secondaire, je devais prendre l’autobus scolaire jaune qui m’amenait à la polyvalente la plus proche de chez moi. Il n’existait qu’une école secondaire privée, mais à l’époque, la qualité de l’enseignement était comparable dans les deux écoles. C’était donc une séparation «sociale» très nette, compte tenu des frais de scolarités considérables à l’époque.
J’avais soif d’apprendre et j’ai eu la chance d’être soutenue dans ce sens. Cela ne m’a pas empêchée d’être une spécialiste du système: j’avais des bonnes notes car j’avais compris quoi et comment étudier. Résultat: je ne prenais pas le temps de développer à fond un sujet qui m’intéressait car mon emploi du temps ne me le permettait pas. Autre constat: j’ai appris à n’aimer que ce que je réussissais bien et non ce qui m’intéressait et, après plusieurs années, je ne savais plus ce qui m’intéressait vraiment.
Les années ont passé et ce fût à mon tour d’avoir des enfants. J’ai pris connaissance des similarités et des différences de ma scolarité comparée à celle que mon mari a reçu en Allemagne et c’est là que je me suis rendue compte que ce que je trouvais normal au Québec, ne l’était pas nécessairement ici. En effet, mon mari a connu les Kinderladen, l’école alternative et aussi le Gymnasium (niveau secondaire) conservateur. Tout cela n’existait pas où j’habitais, enfant.
Après plusieurs discussions, recherches et rencontres, j’ai découvert que le système allemand m’offrait des possibilités inconnues auparavant qui correspondaient mieux à mes valeurs en éducation. À condition toutefois de se trouver dans un grand centre. C’est ainsi que nous sommes partis à la découverte, au «magasinage» d’école, dès que mon fils Jeremy a eu un an! J’étais déjà au courant de la difficulté d’obtenir une place dans une crèche, garderie ou maternelle. Pour choisir d’avance l’école qui correspondait le plus à notre style de vie, eh bien, il fallait s’y prendre tôt! Nous avons la chance d’habiter à Francfort où l’on trouve plusieurs écoles alternatives comme par exemple Montessori, Walldorf et Aktive Schule. Celle que nous avons choisie s’appelle la Freie Schule Frankfurt. Cette dernière existe depuis bientôt 40 ans et elle fût la première du genre à être crée en Allemagne. Les enfants sont admis à partir de 3 ans et il existe depuis peu la possibilité de crèche à partir de l’âge d’un an.
Le concept pédagogique est basé sur l’apprentissage de l’enfant à son propre rythme et sur l’autorégulation et ce, à tous les niveaux. Il peut s’agir autant de la matière scolaire que de l’alimentation, de l’habillement ou du comment dépenser son argent de poche. Évidemment, il existe plusieurs règles qui sont souvent votées par les enfants. Elles pourraient nous sembler parfois «dures», en tant que parents, mais elles reflètent la volonté des enfants. Ils apprennent ainsi la discipline personnelle, c’est-à-dire à penser aux autres, à respecter leurs droits et non à faire tout ce qu’ils veulent sans voir les conséquences sur autrui.
L’école est divisé en trois groupes: le groupe des plus jeunes (jardin d’enfant), des moyens (où l’on fait normalement l’apprentissage de la lecture/écriture) et des grands qui quittent l’école vers 12 ans, habituellement pour le Gymnasium (école secondaire) ou la Gesamtschule. L’enfant décide du moment où il est prêt à changer de groupe et tout se déroule dans un concept ouvert. Il n’y a aucune obligation d’apprentissage et les devoirs n’existent pas. Tous les groupes entrent en contact avec les autres de façon naturelle. Les enfants apprennent des plus grands et les grands s’occupent des plus petits et vivent une deuxième «socialisation», soit en dehors du milieu familial. Les professeurs s’appellent des «adultes», personne ne les vouvoie et ils ont la même voix qu’un enfant lors des réunions d’écoles. L’enseignement se fait en petit groupe à base volontaire.
Les parents sont exclus du cadre scolaire quotidien, mais ils participent régulièrement à des réunions de parents ou d’éducateurs. Ils discutent des thèmes actuels, participent aux journées de rénovation ou donnent de leur temps dans différents comités permettant de veiller au bon déroulement de l’école. Les parents contribuent au financement de l’école, selon leurs moyens, qu’ils soient étudiants ou professionnels.
C’est un peu difficile pour moi d’expliquer en quelques lignes ce que les enfants font toute la journée ainsi que l’ambiance qui y règne car je n’y suis pas. Et c’est bien ainsi! Quand je vais chercher mes enfants à la fin de la journée (16h15), je les retrouve un peu partout: sur la scène en train d’essayer plusieurs costumes à la fois, à boire un chocolat chaud devenu froid, à dessiner des personnages de «Star Wars» ou bien à tracer des lettres dans un cahier d’apprentissage à l’écriture.
Mon fils va à cette école depuis bientôt quatre ans et je ne regrette en rien ma décision. Je voulais que, contrairement à moi, il puisse vivre le plus longtemps possible sa vie d’enfant et l’éloigner, autant que possible, de la pression sur les per- formances. Je ne vivais que pour les notes. Je n’apprenais que pour les examens et j’ai au même moment étouffé certains de mes intérêts d’enfants car ils ne correspondaient pas toujours au programme du ministère. Je pense par exemple aux arts plastiques et à la musique. Depuis notre arrivée à cette école, j’ai vu de nombreux enfants bien dans leur peau, confiants et capables de gérer des conflits sans l’intervention des adultes. J’en suis toujours impressionnée.
Aujourd’hui, je n’idéalise peut-être plus le système scolaire québécois comme avant. Je continue cependant de croire que sa force réside dans la relation beaucoup plus personnelle qui existe entre les enseignants et les élèves. Le peuple québécois est chaleureux, à l’école aussi! Au Québec, je n’ai jamais eu un professeur qui ne se rappelait pas de mon nom ou qui avait de la difficulté à associer mon visage à un nom sur une liste. J’ai eu la chance d’être entourée de professionnels inspirants qui ont su reconnaitre mon potentiel, mais qui, d’un autre côté, étaient pris dans un système qui valorise le nombre de petites étoiles dans un cahier de dictées.
Je réalise que notre choix d’école ne convient pas à tous les parents et que d’autres options sont plus adaptées pour certains enfants. Après tout, ce sont les parents qui connaissent le mieux leur enfant et je ne prêche aucunement que pour ce type d’école! Pour moi, c’était une aventure que j’avais envie de vivre et qui, jusqu’à présent, s’avère positive bien que parfois moins facile à vivre car nous sommes souvent amenés à repenser au bien fondé de nos propres limites et de nos besoins.
Je me réjouis de pouvoir faire partager à mes enfants deux cultures, deux langues, bref, une ouverture sur le monde. J’ai compris qu’au final, il n’y a pas d’école qui va remplacer ce que nos parents peuvent nous transmettre comme leçon de vie.
Claudie Mahn est une Québécoise installée en Allemagne. Ses deux enfants y fréquentent une école démocratique à Frankfurt.
Un petit pas contre l’homophobie dans un cours d’actualité à Compass
Depuis plus d’un an, j’enseigne un cours d’actualité à Compass. Les jeunes qui fréquentent Compass ont le choix d’assister à mon cours ou pas. Il y a quelques semaines, nous avons traité des droits de la communauté LGBTQ à travers le monde, mais particulièrement en Ouganda. Après le cours, constatant que plusieurs des jeunes semblaient concernés par cette problématique, je leur suggéra qu’on pourrait aller au Centre Rideau afin de comparer la fréquence de couples du même sexe sur les publicités du mall par rapport à celle de couples hétérosexuels. Un certain nombre d’entre eux acceptèrent de tenter l’expérience. Après avoir analysé plusieurs publicités, nous avons sondé un certain nombre de personnes dans le centre d’achat à propos de la situation. C’est à ce moment qu’une des élèves proposa qu’on utilise photoshop pour modifier des photos de ces publicités afin que ces publicités deviennent plus inclusives. N’ayant moi-même aucune idée comment utiliser photoshop, je suivis les jeunes de mon groupe dans cette démarche. Ce qui suit sont les photos que nous avons créées en plus de l’article que nous avons co-écrit sur le sujet.
A couple of weeks ago, we had a current event class during which we talked about gay rights. We found upsetting to learn that some people are being killed for their sexual orientation in different parts of the world. So, we decided to go the Rideau Centre, a mall in Ottawa, to see what kind of couples were on ads. We took a total of 24 pictures of couples out of which we only found one where the two people might have been a same-sex couple, but they also could have been sisters or friends. In that context, we decided to photoshop a few of these pictures in order to make the ads more inclusive. For this reason, we made some of the couples same sex couples. We also found that 95% of couples were all-white couples. So, we changed one of the couples to an interracial one. In the last picture, we played with gender by switching their faces. You can see what we did in the photos below.
Leah, Nick, Navine, Lorrick et Marc
Pourquoi je déteste les maths et j’adore la littérature
Depuis l’instant où j’ai manifesté mon intérêt pour être enseignante au collégial, on ne cesse de me répéter que je ne serai pas une bonne professeure si je ne fais pas quatre ans de pédagogie comme tous les futurs enseignants au secondaire le font. Même si je veux défendre mon point et expliquer pourquoi je crois que je serai une excellente enseignante, sans vouloir être prétentieuse, rien n’est valable aux yeux de mes très chers collègues pédagogues. Les cours obligatoires que je dois suivre en pédagogie dont un stage au Cégep de Chicoutimi en littérature québécoise ne sont valides selon eux que si j’entreprends le baccalauréat en enseignement du français et que, par la suite, je me spécialise en littérature. Seulement, ce n’est pas ce que je veux faire et ce n’est pas non plus la vision que j’ai de l’enseignement ou de l’apprentissage. Pour moi, l’apprentissage est quelque chose qui se fait à deux, il s’agit d’un transfert de connaissances d’une personne à l’autre. Pour l’expliquer davantage, je vais raconter un événement qui m’est personnellement arrivé en tant qu’élève. Voyons pourquoi je déteste les maths et pourquoi j’adore la littérature.
Le traumatisme
Je dois avoir environ sept ans. Madame Sophie, mon enseignante préférée, nous récompense lorsque nous avons une bonne réponse. Vous savez ces petits bonbons rouges en forme de petites boules? Ce sont mes préférés! Et chaque fois que nous avons une bonne réponse, chaque élève de la classe en reçoit deux. Nous ne les mangeons pas tout de suite. Nous les accumulons sur le coin de notre bureau pour, à la fin de la journée, compter qui a le plus de bonbons et savoir ainsi qui est le meilleur de toute la classe en mathématiques. En tout, j’en ai quatre, mais j’en ai mangé un. Lorsque vient mon tour, lors du décompte, personne ne me croit lorsque je leur explique que j’ai eu deux bonnes réponses. Ils croient tous que j’en ai eu seulement une et que Madame Sophie, dont je suis apparemment le « chouchou », m’a donné trois bonbons pour récompenser mes efforts. Par chance, mon petit ami Jasmin me défend. Il a sept ans lui aussi et il est très gentil. C’est lui le meilleur de la classe puisqu’il a eu vingt bonbons. Si mon calcul est bon, il a eu la bonne réponse aux dix numéros. Tout le monde l’aime et tout le monde veut être son ami, mais c’est mon bureau qui est à côté du sien. Le soir même, ma mère me félicite d’avoir obtenu quatre bonbons parce que la veille, j’en ai seulement eu deux. Elle dit que je m’améliore, ce qui me donne une idée pour le lendemain. Une fois de plus, nous reprenons le concours de mathématiques. Je sais ce que je dois faire pour que ma mère soit fière de moi et pour que mes amis arrêtent de rire, je dois avoir des bonbons, mais je ne suis pas capable, parce que je n’ai jamais les bonnes réponses, mais Jasmin a toujours les bonnes réponses. J’y ai pensé toute la nuit et je crois que c’est ce que je dois faire. C’est ce qu’il y aura de mieux pour tout le monde. Je fais semblant d’écrire sur ma feuille et je regarde ce que Jasmin écrit. Je vois tout alors je retranscris tout. Madame Sophie circule pour corriger les réponses. J’ai tout bon! J’ai tous les bonbons! Mes parents sont contents et plus personne ne rit de moi. Je parviens à utiliser cette technique pendant encore deux longues semaines. Seulement, un matin, Madame Sophie me voit prendre en note la réponse de Jasmin qui, lui, ne savait même pas que je la prenais. Elle est folle de rage et elle dit devant tous mes amis que j’ai triché et que je n’aurai plus jamais aucun bonbon. Elle prend mon bureau, le colle au sien à l’avant de la classe, et me fait recommencer le tout depuis le début. J’ai tout mal. Elle appelle mes parents, qui me punissent aussi. À cause de ces fichus bonbons, j’ai menti à tout le monde, j’ai été humiliée et je déteste les maths pour toujours.
Dans ce court paragraphe, je tente d’expliquer que mon aversion envers les mathématiques me provient d’un événement traumatisant qui a marqué mon primaire. Cette enseignante, qui voulait nous récompenser pour nos efforts, a créé entre les élèves une compétition qui ne devait pas avoir lieu. En dehors des cours, les élèves qui, comme moi, avaient plus de difficulté dans ces matières techniques, faisaient assurément rire d’eux. À coup sûr, cela a ébranlé ma confiance et m’a fait douter de mes capacités. Les intentions de cette enseignante n’étaient certes pas mauvaises, je ne peux lui en vouloir. Toutefois, j’ai cessé d’étudier les mathématiques dès que cela m’a été possible et je me suis concentrée sur une matière qui me permet davantage de liberté. Je n’ai par contre jamais cessé d’aimer les bonbons.
Marie-Elaine Gignac: Je suis étudiante en troisième année au Baccalauréat en Études littéraires françaises à l’UQAC. Je me spécialise en enseignement pour transmettre ma passion des livres. J’espère inspirer les élèves comme je l’ai été une enseignante.
L’adaptation en éducation vue autrement: Un aperçu du colloque «L’écologie de l’enfance»
Ce colloque se voulait, entre autres, la semence enthousiaste du « Manifeste pour une écologie de l’enfance » signé André Stern. Ce dernier nous dit : « Faisons table rase de ce que nous croyions. Partons de l’enfant, laissons-nous emporter par cette enivrante observation, admirons le génie de la nature, le génie de l’enfant, qui en est l’un de ses fruits les plus directs. »
La fin de semaine a commencé en force avec la première américaine du film Alphabet, la peur ou l’amour du cinéaste autrichien Erwin Wagenhofer. Selon son réalisateur, ce film ne se veut ni sur l’éducation, ni sur l’école, ni sur la non-école, mais plutôt sur une nouvelle attitude face à l’enfant. Cela dit, ce documentaire est troublant, percutant, fascinant, viscéral par la démonstration qu’il fait des impacts de la compétition des systèmes éducatifs sur les enfants; prenez deux minutes pour voir la bande-annonce.
Le lendemain matin, Michel Odent a pris la parole en tant que premier conférencier. Il est obstétricien, chercheur, et auteur. Il s’intéresse donc plus particulièrement à l’écologie pré et périnatale de l’enfance. Selon lui, cette phase de la vie est la plus bouleversée depuis les dernières décennies, alors que la science nous dit que c’est une période critique pour le développement de la personne. M. Odent nous invite à aller visiter la banque de données en Santé primale pour savoir où en sont les recherches relativement à des thèmes d’importance majeure tel que les liens établis entre la grossesse et l’hyperactivité, ou la naissance et l’autisme. Il nous dit aussi que le meilleur contexte dans lequel une femme peut accoucher est dans une pièce sombre, avec une seule sage-femme expérimentée qui tricote dans un coin. Tous les éléments de cette phrase peuvent être justifiés scientifiquement.
Lysane Grégoire, fondatrice du groupe MAMAN, a présenté une conférence intitulée « Entre nature et culture ». Elle nomme la violence obstétricale systémique comme une cause féministe contemporaine, ainsi que la tendance à la banalisation de la maltraitance des enfants. Elle aborde également le débat entourant l’instinct maternel se voulant inné, acquis ou absent. Elle nous invite à découvrir le Regroupement Naissance-Renaissance, qui a la responsabilité d’agir comme force de changement social pour l’humanisation de la période périnatale.
Thierry Pardo, chercheur associé au Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté (Centr’ERE, UQAM), a présenté son tout nouvel ouvrage intitulé Une éducation sans école. Ce livre est le résultat de douze années de recherche en sciences de l’éducation. Il y définit une éducation pirate, qui regroupe la transmission de connaissances chez les peuples vernaculaires, l’éco-éducation et la pédagogie de l’ailleurs.
Marike Reid-Gaudet, présidente de l’Association québécoise pour l’éducation à domicile (AQED), a ensuite animé une discussion se basant sur le visionnement du film Alphabet, la veille. Elle a abordé la fonction de l’institution dans la reproduction sociale et la normalisation des individus, ainsi que l’influence de l’industrialisation capitaliste sur les systèmes d’éducation.
Pam Larrichia, heureuse maman de trois enfants qui pratique le «unschooling» est venue livrer un témoignage de son expérience familiale. Elle a abordé la difficile thématique des jeux vidéos et les peurs qui y sont liées lorsqu’il s’agit de ne pas interférer dans les préférences des enfants. Elle invite les parents à tenter de se plonger dans la perspective de leur enfant, ce qui lui a permis de découvrir que c’était un intérêt pour les histoires qui captivait autant son fils. Pam Larrichia invite les parents à devenir des partenaires de leurs enfants, d’apprendre à mieux les connaitre et de les encourager dans leurs passions. Elle a lancé la version francophone de son dernier livre Libre d’apprendre : cinq idées pour vivre le unschooling dans la joie lors du colloque.
Une table ronde sur la place des papas dans l’écologie de l’enfance, regroupant André Stern, Arno Stern, Michel Odent, Édith Chabot et Alain Lafferière, a permis de mettre à jour un fait méconnu relativement à la santé et au comportement du père après l’accouchement. En fait, Michel Odent a profité de cette tribune pour présenter le phénomène voulant que le père soit en période de grande vulnérabilité suite à l’accouchement, et que certains soient en proie à une dépression postpartum masculine. Il semblerait que plus le père est présent durant l’accouchement, plus il risque d’être affecté. C’est pourquoi dans plusieurs sociétés traditionnelles, on occupait le père durant l’accouchement.
Je n’ai malheureusement pas pu assister à la présentation d’Arno Stern « Ni dessin, ni enfantin » sur la Formulation, ni à celle de Charles Caouette intitulée « La qualité de vie de l’enfance au troisième âge ». Je me suis toutefois reprise avec la conférence finale d’André Stern, qui se veut le porte-parole de l’enfance. Celui-ci a rappelé la disposition spontanée de l’enfant vers le vaste monde et la diversité qu’il implique. Il a rappelé que si on ne l’interrompait jamais, un enfant jouerait toute sa vie; il en est la vivante preuve. M. Stern a fait quelques clins d’œil à la neurobiologie et notamment au professeur Gerald Hüther [voir : http://www.youtube.com/watch?v=IGQ9i-xdruc], qui a démontré que l’enthousiasme agit comme un engrais sur le cerveau humain.
Voilà! Vivement l’édition 2015!
Joëlle Gaudreau, bachelière en adaptation scolaire, étudie présentement à la maitrise en fondements de l’éducation à l’UQAM. Elle s’intéresse aux avenues éducatives alternatives et, notamment, à l’écoéducation.
À quoi sert l’école?
Cette question est au centre des fondements de la scolarité et sans y répondre on ne saurait instruire qui que ce soit. Ainsi, je m’excuse infiniment de la longueur de ce texte, on ne saurait trop m’en vouloir, vu que bon nombre de livres existent seulement pour effleurer la question et que malgré la longueur, je dois en faire une vulgarisation plutôt grossière. Sans au moins tenter de répondre à la question : À QUOI SERT L’ÉCOLE, on se retrouve perdu dans l’immensité du savoir connu et on ne sait par où commencer. C’est sur cette question que je voudrais poser le point de départ de notre premier curriculum à la RÉDAQ. Puisque la réponse est, selon moi, toute simple…. l’école sert à apprendre à décider. À apprendre à mieux décider pour être exact. Puisque décider stupidement reste toujours possible, peu importe la quantité d’instruction reçue. Je vous propose donc de passer en revue l’histoire de l’institution scolaire pour savoir d’une époque à une autre, d’un niveau à l’autre, ce qui l’a transformée sur ce point précis, aussi flou puisse-t-il être.
L’académie
L’école comme institution remonte à la Grèce antique de même que l’étymologie du terme. La scola ou scolè qui signifie le loisir de l’étude. Ici, on ne parle pas de loisir comme d’un divertissement, mais bien comme un luxe. Le luxe d’échapper au travail productif (faire ce qui est nécessaire à la survie) pour passer à un autre niveau, celui de l’humanité, celui de l’intellect, de la pensée…. Bref, de la décision. Il faut voir la trame esclavagiste derrière ces prémisses et le détachement de la décision et de l’action. Ce malheureux héritage continu d’obscurcir notre perception, il est tellement intégré qu’il est très difficile de s’y soustraire.
L’académie, fondée par Platon, fut créée pour concrétiser SON idéal du décideur: le philosophe-roi. Platon ne croyait pas vraiment en la démocratie (directe à son époque), pour une foule de raisons, mais si l’on résume : tous ne connaissent pas assez pour prendre part aux décisions, ainsi, on ne devrait pas laisser tout le monde le faire. On devrait le réserver aux plus instruits, n’instruire que les plus brillants et leur réserver le pouvoir de régner – décider pour la cité. La nécessité de n’instruire que les plus brillants vient directement du sens premier de l’école : le LUXE d’échapper à la production, tous ne pourraient pas le faire sinon c’est la fin de la production. Il estimait aussi que les parents étaient bien mal placés pour fournir cette instruction, puisque parents idiots rendraient enfants idiots à leur tour, je ne suis pas totalement en désaccord avec lui sur ce point, sans être aussi radicale puisque des savants autant que des parents ont su se démontrer d’une grande stupidité.
Platon a aussi inventé le concept de l’égalité des chances (et même y incluait les femmes). Il fallait laisser la chance à tous à l’étude pour savoir lesquels sont les plus doués. Depuis lui et les siens, l’idée que l’instruction est nécessaire à la pensée et l’idée que nous n’y sommes pas également doués sont très fortement intégrées dans la culture occidentale, c’est comme une évidence. L’accumulation d’une grande quantité d’information donne accès à la ‘vérité’, alors que l’ignorance nous laisse en victimes face aux apparences et surtout, face à ceux qui en ont la maîtrise. Cette affirmation est particulièrement vraie aujourd’hui puisque nous avons dorénavant des sciences de l’apparence! Rien de moins! C’est en voulant mettre au chômage les faux semblants de professeurs de vertus, les sophistes, que Platon fonda son école. Je crois la leçon de ce récit d’une bien grande valeur et on ne saurait trop se la remémorer, surtout en tentant de fonder une école.
L’école de l’élite aristocratique
C’est l’image, assez juste, que nous en faisons souvent pour toute l’époque du moyen-âge et même jusqu’à la Révolution tranquille par ici. Par mon petit résumé de la création de l’académie, vous comprendrez que l’institution se plie facilement à la forme aristocratique qu’elle fut jusqu’à la fin de la renaissance en Europe. L’école se réservait pour l’élite religieuse ou séculaire. Puisque l’écriture et la lecture avaient peu d’attrait ou d’utilités pour le paysan, le désir n’y était pas. Lorsqu’on regarde les curriculums d’antan, la réflexion, la pensée, la théologie, la rhétorique, la philosophie et surtout l’étude des grands classiques aidaient certainement à réfléchir le monde aristocratique, mais pas trop à savoir lesquelles des semences résisteraient mieux à l’hiver. La fonction de la noblesse était surtout administrative (administration terrienne et militaire) alors que le clergé s’occupait de l’administration sociale. Les bourgeois dans leur révolution française ont bien noté qu’administrer, c’est dire aux autres quoi faire, et récolter le fruit de leur labeur sur la prémisse que la bonne idée vaut plus que le travail accompli. Encore une fois, la décision domine les autres activités et l’école fournit l’instruction de ceux qui devront la pratiquer, notamment pour le compte des autres, qui dominent d’encore plus haut. Il est toujours plus élégant de convaincre, contraindre par la raison et persuader que de soumettre par la force et surtout, c’est bien moins coûteux. L’instruction s’avère alors bien précieuse, un luxe très bien investi.
L’école des officiers
C’est le modèle de l’école militaire qui est notre prochain révélateur. On y formait les officiers, qui, loin de la mère patrie, auraient à décider en son nom dans les colonies ou dans des guerres de frontières. Encore une fois, un soldat, un marin ou un canonnier n’avait que peu à tirer d’une telle instruction puisqu’il aurait à suivre des ordres, à décider de bien peu de choses. L’école publique britannique est pourtant le modèle qui se rapproche le plus du modèle d’aujourd’hui. La plus grande différence entre notre curriculum et de celui des Anglais de l’empire, c’est la charge de l’histoire impériale et des œuvres classiques. Il ne faut jamais sous-estimer le poids endoctrinant d’une instruction ou même de l’information présentée, puisque c’est dans la sélection du curriculum que prend forme souvent cet endoctrinement. Cette étape de l’histoire nous met fortement en garde puisque l’instruction peut aussi reconstruire la raison, notamment la raison morale, de celui qui la reçoit. Les massacres pour la gloire de l’empire ont été réalisés à partir des semences données à l’école. Et ces cadres de pensée, une fois assimilés, sont sentis par ceux qui décidaient (et non ceux qui les exécutaient), comme justes et bons. Sincèrement, justes et bons! Le ‘’white’s man burden’’ n’est même pas une farce d’historien. Elle était une erreur de perception tout à fait sincère. Un grand soin est bel et bien nécessaire lorsqu’on ‘’instruit’’ à la décision.
Sous victoria, il y a donc eu une multiplication des ‘’boarding school’’ et sans être gratuites (bien qu’elles le furent à un moment), Sa Majesté fit ouvrir les écoles d’officier à tous, même ceux n’ayant pas le sang noble, ce qui est une rupture importante dans l’histoire de l’école. C’est dans l’institution anglaise que la démocratisation de l’instruction a donc commencé. On peut bien évidemment douter de la légitimité des intentions de cette démocratisation : expansionniste et colonialiste ; Un projet qui vise à faire du reste du monde la force productive et de tous les Anglais des décideurs qui l’administrent (et en récoltent évidemment les fruits). Un projet qui vise à donner la chance à tous (anglais bien sûr) de faire une carrière de ‘’décision’’ est néanmoins digne du terme ‘’démocratisation’’ et aide un peu à déconstruire l’idée. L’économie mondiale aujourd’hui établie en est un héritier bien légitime.
L’école nationale/école publique
De l’école britannique à l’école nationale telle que nous la connaissons aujourd’hui, le pas ne semble pas tellement grand. L’état règne sur les deux et en a le quasi-monopole. Le contenu culturel et linguistique demeure important, mais il y a eu très peu de transformation dans la méthode. On a laissé tomber l’étude des classiques, seuls les plus fortunés pourront s’offrir le luxe de l’étude du répertoire classique. Les plus grandes institutions d’enseignement continuent de l’offrir à des prix exorbitants. C’est en quelque sorte l’héritage antique qui s’exprime ainsi. Le manuel de codes culturels de la haute société reste réservé à la haute société. C’est tout ce curriculum informel qu’on finit toujours par nommer insouciamment : la culture générale. (Lire l’excellent livre de Normand Baillargeon sur ce thème de culture générale : Liliane est au Lycée aide à se faire la main sur cette question). Ce contenu est certainement culturel, mais absolument pas général, il est en fait très sélectif et s’abreuve dans une tradition à la moralité bien flexible.
Je trouve l’école telle qu’on la voit aujourd’hui dans une grande perte de sens. L’endoctrinement qu’on y fait n’est pas d’ordre national, l’école est à l’image de la société qu’elle sert et se trouve plus souvent en déconstruction nationale et identitaire, comme c’est le cas de toutes sociétés occidentales. S’il y a endoctrinement dans nos écoles, il est d’ordre économique. On forme à la fois des consommateurs, et des travailleurs. On instaure par habitude et redondance une dévotion perpétuelle à la compétition comme étant une relation ‘naturelle’ entre les individus d’un même groupe. C’est ainsi, en amenant les gens à concevoir le monde comme un vaste tournoi éliminatoire, qu’on perpétue notre doctrine économique malgré sa toxicité flagrante. Cette pensée est si profondément intégrée dans nos structures qu’elle nous devient complètement invisible.
Si on révise l’école nationale// publique du point de vue de formation à la décision comme on le ferait si elle était explicite, on tombe dans le pathétique. Attachez-vous, vous aurez la nausée. Grosso modo, durant 9 ans, des adultes cachés derrière des portes closes prendront pour eux toutes les décisions importantes, communiqueront les résultats comme une obligation, un règlement. Les enfants informés de ce qui est dans leur bien, sans avoir vu, entendu, ni compris le processus de cette prise de décision, devront par la suite accumuler des informations, compétences et autres contenus disciplinaires traditionnels (aussi, décidés par d’autres) durant toute leur scolarité primaire et secondaire, motivés par seule la parole de ces mêmes adultes que ce sera important plus tard. Leur pouvoir de décision se résumant à la couleur de leur pantalon durant cette étape de l’apprentissage, c’est une accumulation sans pratique aucune. Puis, arrivée en secondaire 4, en guise d’épreuve ministérielle du curriculum de prise de décision, on leur fait ‘’choisir leur avenir’’ dans le but d’y faire correspondre un parcours scolaire obligatoire pour tracer ledit avenir. Par la suite, on ouvrira petit à petit l’espace pour le choix véritable, alors que l’impuissance est parfaitement intégrée et qu’ils ne peuvent envisager le monde que par les choix faits avant, par d’autres et suivre le chemin que ces derniers auront réfléchi pour eux.
Le ministère n’a pas à publier les résultats de l’épreuve ministérielle de prise de décision puisqu’ils s’expriment par la hiérarchie sociale : où le plus riche en haut décidera pour son prochain et comme dans l’ancien temps, le décideur récoltera le fruit du labeur de celui qui obéit. SI et j’ai bien dit SI, la prise de décision était un curriculum explicite, c’est ainsi qu’on le décrirait. Mais, il ne l’est pas, son examen est donc beaucoup plus difficile puisque simplement le nommer vous attire des insultes. Vous serez certainement de mon avis que c’est la pire approche didactique envisageable et on ne saurait vraiment faire pire.
Puis le marché du travail…
Puisque si le modèle scolaire échoue, c’est en quelque sorte parce qu’il s’éloigne trop vite de la société (lui stagne et la société est entraînée dans une course folle). Il peine énormément à s’adapter à cette doctrine moderne du capitalisme de démocratie libérale. La pression sur l’intellect a explosé dans ces dernières 200 années. Notre modèle scolaire servait à la formation de l’ouvrier et consistait en une structure qui lui était cohérente, il y a 40 ans (ponctualité, horaire routinier, redondance de la tâche, respect de l’autorité, bref l’OBÉDIENCE). Ce n’est cependant plus le marché de l’emploi tel qu’il s’exprime aujourd’hui pour deux raisons : d’abord, toutes les tâches redondantes, mécaniques et manuelles sont effectuées par des machines et ce, graduellement depuis le début de la révolution industrielle. Aussi, l’automatisation de ces tâches fut voulue, même rêvée, mais n’a pas été accompagnée d’une redistribution/réaménagement du travail ou des revenus. Si on devrait travailler moins, produire moins (puisqu’on le fait plus facilement), il faut pousser la machine à consommer pour éviter que le système ne s’effondre. Puisque le revenu, lui, est toujours attaché au travail, mais la production, elle, l’est de moins en moins, de quoi faire de l’école un vrai casse-tête. C’est par DESIGN que le seul travail qui reste est celui qui nécessite la pensée (pensée créatrice encore plus). Nos économies nationales ont fait un virage au milieu des années 1980 vers le secteur tertiaire, celui des services… on parle depuis de capital humain, comme LA ressource. Ainsi, le travail rémunéré demeure l’unité de base de la création de la valeur (théoriquement autant que pratiquement). À une échelle ou à une autre, avoir à décider durant le courant de sa tâche quotidienne, aussi minime la décision soit-elle, est ce qui garantit (encore) que cette tâche soit effectuée par un humain. On peut constater les bienfaits d’un esprit pensant en comparant la réception par une machine de ”labyrinthe téléphonique” avec celle d’une réceptionniste compétente. Ce que les machines ne peuvent toujours pas faire, c’est réfléchir suffisamment pour prendre des décisions fiables, mais n’oublions pas qu’on y travaille et que ce monde aussi fut déjà rêvé. Ce monde est d’une terrible incompatibilité avec la première formulation de l’école : ‘’le loisir de l’étude’’ – insistant de nouveau sur la signification du loisir comme étant l’absence de l’obligation du travail productif. Alors que le travail ‘’productif’’ n’existe plus vraiment et le travail tout court repose dorénavant sur le seul travail intellectuel. Je trouve assez prévisible que le système scolaire soit en crise de sens. Le loisir d’apprendre n’a plus rien d’un loisir ou d’un luxe, il est le dernier moyen fiable de subsistance.
Quand je dis le travail intellectuel, je ratisse terriblement large, j’y inclus le sport, les arts, des relations sociales, le tri de déchet sélectif ainsi que le design de son automatisation et tout ce qui demande de prendre des décisions… aussi petites soient-elles. Ai-je besoin d’insister sur le fait que la petitesse de la décision est le facteur qui influe le plus sur la facilité à l’automatiser ?
Maintenant un peu d’espoir, s’il vous plait.
Qu’en est-il du modèle de l’école démocratique, surtout du point de vue de l’instruction à la décision. Participant à l’assemblée, l’enfant dans une école démocratique peut enfin sérieusement se dédier à cette instruction, puisqu’au moins chaque semaine, il participe à la prise de décision de différentes natures : de l’entretien de l’école et d’eux-mêmes, à l’embauche de nouveaux professeurs, le choix du contenu scolaire, jusqu’à la médiation des conflits, les enfants auront à décider fréquemment, sur une très grande variété d’enjeux de diverses importances et natures. C’est en quelque sorte ce qui s’offre comme curriculum avec l’autogestion et l’exercice de la démocratie directe. Non pas qu’il soit rapide ou facile à donner ou acquérir, bien au contraire, c’est long, fastidieux et même parfois pénible. Ce n’est pas une discipline bien structurée et organisée, c’est plutôt une culture, difforme et sans manuel d’instruction. Mais, il en est de ces efforts qui permettent à l’enfant de récolter ses propres fruits. Toute la scolarité d’une école démocratique vise à s’instruire pour que la volonté se transforme en action, puis en résultat sur le monde et en une nouvelle volonté, et ainsi de suite. Plus encore, cette volonté vient avec une très tangible déconstruction du contenu induit d’endoctrinement économique. La compétition est évacuée complètement par quelques modifications bien délicates dans les méthodes de gestion et on met de l’avant la collaboration, éminemment nécessaire pour la pratique de la démocratie directe. Nous formerons donc ouvertement les gens à décider ; pour non pas pour eux-mêmes ou pour d’autres ; mais bien avec les autres.
Soyons conscients que bien que nous le trouvions favorable, ce système demeure un endoctrinement. Nous sommes aussi sélectifs sur ces critères précis qu’on put l’être Platon ou la reine Victoria ou le Mels. Tant que ces choix idéologiques se font consciemment et sont présentés de façon ouverte et transparente, je crois que nous garderons ce qui est nécessaire de légitimité pour se tenir debout devant nos détracteurs potentiels.
L’idée que l’école démocratique n’a pas de curriculum me laisse vraiment perplexe, je vois plus une insistance à renommer les choses et les re-codifier qu’une rupture aussi radicale des normes de l’enseignement. Je trouve cette démarche peu fructueuse et elle rendra l’échange avec toute la communauté extérieure ainsi que la promotion du projet très, très difficile. (Que ce soit pour présenter le projet à de nouveaux participants ou de se trouver des alliés) Ce n’est pas que le modèle de Summerhill ou Dewey n’offre pas de curriculum, c’est simplement la communauté (enfants inclus) qui le conçoivent par un ‘’examen’’ de leurs besoins et désirs respectifs (souvent en grande assemblée). Il s’agit de l’autogestion de curriculum pédagogique et non de l’absence de curriculum. Aussi, c’est lorsqu’on suit des structures fixes très simples (principes fondamentaux) qu’on peut le mieux créer quelque chose de nouveau. C’est avec un objectif simple mais fondamental qu’on peut imaginer un parcours riche et varié.
C’est pourquoi, après ce fastidieux monologue qui n’est en fait qu’une introduction à l’objet, je pose ici une première proposition dans l’élaboration du curriculum de départ de l’école de la RÉDAQ. Je propose que l’article 1 du curriculum* se définisse comme suit:
– Que le seul objet d’enseignement permanent au curriculum d’une école démocratique est l’instruction à la prise de décision. Et la méthode prescrite pour cette instruction est la participation à une démocratie directe vouée à l’administration, l’entretien et la direction de l’école par la communauté qui l’habite (Enfants, enseignants, (??parents??), ou toute personne ayant été admise comme membre par la communauté).
– Que les autres contenus disciplinaires/pédagogiques doivent toujours servir ce premier précepte, dans toute la variété et la profondeur qu’il impose.
– Que le curriculum soit lui-même un objet de cette instruction et qu’il soit révisé et modifié par la communauté à la fin de chaque année scolaire lors d’une assemblée spéciale pour l’étendre, le restreindre ou diviser l’offre de leçons, d’activités et des objets d’étude.
– Que toutes les tâches nécessaires à l’entretien (?et à la construction?) de l’école soient incluses dans le curriculum et transformées (autant que faire se peut) en objet d’apprentissage libre de souscription par les membres de la communauté. (ex : cuisine, menuiserie, comptabilité, web design, vidéo, et etc.)
– Enfin, que cette assemblée spéciale ‘’curriculum’’ soit enregistrée et rendue publique (autant que faire se peut) pour le bénéfice des années suivantes comme des autres expériences éducatives similaires qui pourraient profiter de ces échanges.
*Ici par curriculum, j’entends non pas une obligation d’apprentissage ou de présence des élèves, mais une offre d’apprentissage suffisamment claire pour laisser autant la chance aux élèves de s’y intéresser, qu’aux enseignants de les préparer.
Ici ce termine ma proposition. Bravo à ceux qui se sont rendus à la fin et j’attends vos commentaires.
Elisabeth Doyon finit présentement son baccalauréat en enseignement secondaire à l’UQAM.
Simon ou le désir d’apprendre
Simon avait hâte de commencer l’école, mais vers la moitié de sa première année cet enthousiasme s’est estompé et a été remplacé par l’anxiété. Tout son être voulait courir, jouer et parler, mais pendant 5 heures par jour de classe il était contraint d’effectuer des travaux intellectuels imposés. Ses impulsions lui attiraient les reproches incessants de l’enseignante. De plus, il ne réussissait pas aussi bien que les autres sur ces tâches que ses parents et son enseignante semblaient trouver plus importantes que tout. Les adultes croyaient qu’il avait un problème : le TDAH. Simon voulait fuir, ne voulait pas avoir un « problème », ne voulait plus se faire réprimander et se sentir moins talentueux que les autres. Il voulait courir et jouer, simplement, avec ses amis sans se faire évaluer constamment.
Sa maman, commençant à s’inquiéter du nouveau mal-être de son enfant et offensée par la pression que lui mettait l’école de médicamenter son fils, finit par chercher une école alternative. Elle en connaissait une, tout près, qu’elle décida de considérer : une école dite « libre » ou « démocratique ». Elle hésita longuement et son mari encore plus car il s’agissait d’une école très peu conventionnelle puisque les enfants y étaient libres. Un encadrement pédagogique était offert avec l’accord de l’enfant et des cours se donnaient mais ils pouvaient décider de s’inscrire à ceux-ci ou pas. Aucun enfant n’y était médicamenté. Les parents de Simon craignaient qu’il n’y apprendrait rien puisqu’il n’aimait clairement pas apprendre et ne s’inscrirait donc pas aux cours. Malgré leurs craintes ils décidèrent d’en faire l’essai pendant quelques semaines, car on leur avait dit que pratiquement tous les enfants finissaient par demander à s’inscrire à des cours après un mois ou deux.
Les premières semaines, Simon ne s’est pas inscrit aux cours. Après 6 semaines de jeux libres, curieux de voir ce qui donnait envie à son nouvel ami, Théo, de s’inscrire aux cours d’écriture, Simon s’inscrit au même cours que lui, malgré ses appréhensions. Au premier cours, il était donc peu réceptif aux enseignements. Or, après quelques semaines, il comprit que ce qu’on lui avait dit était vrai. Il n’y avait pas d’évaluations le comparant aux autres, dans cette nouvelle école. S’il ne voulait pas se trouver dans la salle de cours, il avait le droit de quitter et faire ce qui lui plaisait. Il n’y avait pas de devoirs causant tant de tensions à la maison et les enseignants semblaient sincèrement se soucier de son bien-être. Ses peurs sont alors tombées soudainement. Rassuré par la liberté de refuser de se faire instruire, sa curiosité d’enfant est revenue à la charge. Maintenant, il était prêt à dire « oui » et c’est exactement ce qu’il fit.
Dès lors, ses parents qui étaient toujours très hésitants devant leur choix, ont vu des changements époustouflants s’opérer chez leur enfant. Après 2 mois à sa nouvelle école, leur fils ne voulait plus manquer une journée. Il parlait avec enthousiasme des évènements du jour et même, parfois, de ce qu’il avait réussi à accomplir dans ses cours. Il n’allait généralement pas à plus d’une heure de cours par jour, mais ce cours semblait si positif et efficace dans ce nouveau cadre que ses parents décidèrent de le laisser à cette école, au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire. D’autant plus que leur enfant semblait avoir retrouvé sa joie de vivre, son enthousiasme et sa curiosité. Quel soulagement!
Le cas de Simon ici est fictif, mais il existe des milliers de petits Simons et petites Simones qui ont fait le saut vers l’école démocratique et qui ont eu des expériences similaires.
L’enseignante Unetelle a préféré garder l’anonymat pour parler de ce sujet. Elle enseigne dans une école primaire du Québec.
Pour ne plus sacrifier sa relation avec son enfant au nom de l’école
Cet article est la deuxième partie de l’article Une première visite d’une école démocratique.
Adolescent, j’étais toujours mal à l’aise pour ceux et celles de mes compagnons de classe dont les parents enseignaient à l’école. Dans chacune des trois écoles conventionnelles que j’ai fréquentées au secondaire, j’étais mal à l’aise car je savais ce que les autres enfants (et moi) disions dans le dos de leur père ou de leur mère qui enseignait. J’étais au courant pour les graffitis à propos de ces enseignant(e)s sur les pupitres de classes et dans les salles de bain. Je savais qu’à leur place, je n’aurais pas été en mesure d’endurer voir mon père ou ma mère demander (par obligation) aux élèves de ma classe devant moi de suivre des instructions, de faire tel exercice ou tel examen alors qu’ils ne souhaitaient pas le faire. Je savais surtout que ces camarades de classe allaient très rapidement réaliser comment des dizaines voire des centaines d’adolescent(e)s se sentaient par rapport à leur parent-enseignant, qui, malgré tout, était bien intentionné et devait aussi les aimer plus que tout au monde.
C’est pourquoi, lors de ma première visite dans une école démocratique, j’ai été si surpris de voir interagir un élève, David, et sa mère qui enseignait à cette école. Âgé de 15 ans, David était coiffé de rasta, il portait un t-shirt troué, un pantalon kaki et des autocollants de différents groupes de musique sur son sac-à-dos. Son rire était fort, plein d’assurance, mais aussi très contagieux. Ses interactions avec sa mère au cours de la journée peuvent être illustrées par un geste qui a semblé anodin aux yeux de chacun des membres de l’école. Alors que sa mère était en discussion avec d’autres élèves, il s’approcha d’elle et lui fit une colle comme je n’avais jamais vu un adolescent faire à sa mère, et ce, devant tous les autres élèves. Encore à ce jour, je ne crois pas avoir vu un autre adolescent faire un câlin à sa mère qui voulait autant dire «je t’aime». C’est pour cette raison que je n’ai pas été surpris d’entendre des choses similaires à propos d’autres élèves lors d’une conversation avec une dame dont les enfants du conjoint avaient fréquenté une école démocratique pendant toute leur scolarité. Lorsque je lui ai demandé si elle avait remarqué quelque chose de particulier à propos des enfants de son conjoint ou s’il y avait quelque chose qui ressortait, elle me dit : «Je peux te dire une chose sans aucun doute. Ils adorent leur mère.», tout en étirant le mot «adorent» afin de mettre l’accent sur ce mot.
Je trouve ces expressions d’amour significatives du point de vue de l’éducation pour plusieurs raisons. Je me demande s’il n’y a pas plusieurs parents qui, sans nécessairement le vouloir, finissent par sacrifier leur relation avec leur enfant afin de lui imposer une certaine forme d’éducation. Une bonne relation avec ses enfants n’est-elle pas plus bénéfique tant pour la relation entre un parent et son enfant que pour la société à long terme, qu’un type de scolarisation qui n’est pas toujours choisi par l’enfant? Lorsque la relation d’amour entre un parent et son enfant est sacrifiée, un apprentissage durable et constructif peut-il se produire ?
Un autre aspect qui a attiré particulièrement mon attention lors de ma première visite dans une école démocratique a été de voir une enfant de 5 ans, Leah, apprendre à écrire son nom. Évidemment, nul besoin d’aller dans une école démocratique pour être témoin d’un tel évènement. La différence est que, très souvent dans des écoles démocratiques, il ne se donne pas de cours pour enseigner l’écriture et ce n’est pas parce que les enseignant(e)s ne souhaitent pas donner ce genre d’enseignement, loin de là. En fait, plusieurs enseignant(e)s dans ce type d’écoles ont mentionné n’avoir jamais eu à donner de cours de lecture pour initier les plus jeunes. En effet, dans la très grande majorité des cas (voir Greenberg, 1995; Gray, 2013), les jeunes apprennent par eux-mêmes. L’écriture est si présente dans notre société, donc dans la vie des enfants, que ce soit dans leurs jeux vidéos ou autres, les livres, sur leurs vêtements, dans leurs émissions de télé… que lorsque laissés à eux-mêmes, sans pression d’apprendre, ils vont d’eux-mêmes souhaiter décoder notre système d’écriture. Surtout, s’ils vivent des situations signifiantes. Dans le cas de Leah, elle a écrit son nom pour la première fois alors qu’elle participait à un comité de résolution de conflits (parfois appelé comité judiciaire – plus sur le sujet dans un futur article). En effet, Leah avait été impliquée dans un conflit avec une autre membre de l’école, Mya. À travers le comité de résolution de conflits, Leah et Mya se sont engagées à changer leur comportement respectif et le comité composé d’adultes et d’enfants leur a demandé de signer un document pour officialiser leur engagement. Rapidement, Dori, une des enseignantes, s’est portée volontaire pour aider Leah à écrire son nom. Elles tracèrent chacune des lettres de son nom tranquillement et Leah repartit bien heureuse. Cette situation me porte à croire que lorsqu’on permet aux jeunes de découvrir l’écriture à leur propre rythme, ils finissent tous par réaliser le potentiel incroyable qui se cache derrière ce système de codes et, par le fait-même, souhaitent s’approprier ce potentiel.
Plusieurs autres aspects de ma visite m’ont fort surpris, comme l’absence de cloche, d’horaire imposé pour le dîner, de test, d’examen, de curriculum. Chacun de ces éléments contribuent à ce que l’enfant auto-dirige son apprentissage, ce qu’en anglais on appelle : self-directed learning. J’ai souhaité parler de l’expression de l’amour entre un adolescent et sa mère et de la découverte de l’écriture par Leah car je suis persuadé que le fait que l’apprentissage soit dirigé et choisi par l’enfant lui-même y soit pour beaucoup pour qu’un adolescent de 15 ans se sente aussi à l’aise de démontrer son affection pour sa mère enseignante devant ses camarades de classe.
Marc-Alexandre Prud’homme est le fondateur du RÉDAQ. Il enseigne à temps partiel à Compass à Ottawa et travaille comme chargé de cours en éducation à l’UQAC.
Enfant « hyperactif » ou enfant « normalement actif »?
« Tiens, tiens… une grande quantité des élèves de ma classe sont médicamentés pour un déficit de l’attention et /ou une hyperactivité. » ai-je constaté, un certain jour de classe, il y a quelques années. « Je vais demander à ma collègue si ceci est également vrai pour sa classe. »
« Tiens, tiens… ceci est vrai pour l’autre classe aussi! »
Ainsi commença une enquête personnelle où l’indignation croissait avec chaque constat supplémentaire confirmant mon observation initiale. Depuis, j’ai recensé la proportion d’élèves médicamentés dans 8 classes. En moyenne, près du quart des élèves de la fin du primaire sont médicamentés quotidiennement, selon les résultats de mon enquête. Est-ce un trop petit échantillon pour pouvoir réellement conclure? Probablement, mais je suis convaincue qu’une plus grande étude révélerait les mêmes chiffres. Pourquoi ne sommes-nous pas déjà au courant d’un fait si choquant? Simplement, personne n’ose en parler. Les parents sont gênés d’en discuter, les enseignantes n’en parlent pas non plus et doivent le secret professionnel. Se sentent-elles inconsciemment coupables?
Pour moi, ce constat est d’autant plus choquant qu’il me semble personnellement évident que les enfants ne sont pas faits pour rester assis, tranquillement et silencieusement, à faire ce qu’on leur demande pendant 5 heures par jour de semaine, sans compter les devoirs. Si plusieurs enfants tolèrent cet état des faits, plusieurs autres peinent à y arriver. En plus de cette obligation douloureuse, ils se font étiqueter (hyperactivité, déficit de l’attention) et médicamenter. Si j’ai bien compris, un enfant «hyperactif » est un enfant actif qui peine à rester tranquille, silencieux et concentré sur les tâches qu’on lui impose toute la journée. Pour moi, il s’agit là d’un enfant tout-à-fait normal ayant besoin de support et d’acceptation. Il ne s’agit pas d’un enfant ayant une pathologie et devant se faire diagnostiquer et soigner.
Les parents ne sont pas à blâmer. Ils choisissent souvent la médication à contrecœur après plusieurs années d’hésitation. Ils finissent par aller de l’avant, espérant qu’enfin, leur enfant se fera mieux accepter, moins réprimander et qu’il réussira mieux. Comment leur en vouloir?
Dans les écoles démocratiques, les élèves ne sont pas médicamentés. Leur différence est acceptée. On attend qu’ils soient prêts pour leur enseigner. Ils avancent, ensuite, à leur rythme, qui, par ailleurs, est généralement plutôt rapide vu qu’ils ont décidé d’apprendre. La motivation est donc au rendez-vous alors que, trop souvent, l’école normale l’éteint.
Ma visite dans une école démocratique, près d’un an suivant cette enquête, a confirmé, pour moi, toutes mes idées et impressions au sujet de la médication et de la motivation d’apprendre. Une bonne proportion de ces élèves provenait des écoles « normales » et y avait vécu de mauvaises expériences. À cette école, les élèves travaillaient la moitié moins et réussissaient clairement mieux à obtenir leur diplôme d’études secondaires que les élèves provenant des écoles publiques « normales » de la même ville alors qu’aucun d’entre eux n’était médicamenté. Ils provenaient d’un milieu défavorisé et leurs parents ne payaient pratiquement pas pour leur fréquentation scolaire. Leur réussite provient du fait qu’on leur a permis d’être des enfants actifs et bavards et qu’on ne leur a pas détruit leur motivation et leur initiative. On leur a permis de maintenir leur envie naturelle d’apprendre et de prendre la vie à deux mains.
Aussi, chose qui est considérée comme étant très peu importante dans les écoles normales et pour la société en général : le niveau de bonheur des enfants. Ces jeunes de l’école que j’avais visitée étaient clairement plus heureux que tous les enfants que j’ai côtoyés dans les autres écoles. Leurs yeux pétillaient de vie. Cela n’est-il pas à prendre en considération dans notre choix de système éducationnel?
L’enseignante Unetelle a préféré garder l’anonymat pour parler de ce sujet. Elle enseigne dans une école primaire du Québec.
L’acronyme revu
Vous trouverez, dans le propos suivant, que je ratisse large, je m’en excuse, je reçois souvent les reproches de mes proches pour de pareilles maladresses, elles ne sont qu’à demi volontaires, seulement à demi!
Tout nouvel arrivant dans la profession enseignante pourra le confirmer, l’intronisation dans un milieu professionnel est de plus en plus stressante, avec de moins en moins de repères. Certains se plaignent de voir notre préparation universitaire puiser trop dans la théorie et l’abstraction pour nous préparer à notre future profession remplie d’élèves, de collègues, de béton et… d’acronymes! Ici, j’accroche sur les acronymes puisqu’ils m’exaspèrent plus que tout le reste! Parfois, ils représentent des institutions : CSN, UDM, UQAM, FAE, CSDM, CSMB. Parfois, ils représentent des personnes ou groupes, des afflictions ou des traits de personnalité, c’est selon : CMA, EHDAA, TDAH… De la SAÉ au TBI, des groupes, des cours, bref, notre métier est devenu un métier de l’acronyme! Une codification opaque le détache du reste de la société, comme c’est le cas de chaque domaine sur essentiellement les mêmes modes!
Ceci est bien un symptôme de quelque chose et non la chose en soi. L’éducation se trouve à en être le moteur puisque son rôle est effectivement d’inculquer le sens du monde par ses codes. Et il y a, en ce monde, une brisure grandissante entre le sens et le code.
Les maux et les mots du sens
Un mot n’existe que par son sens, un mot qui n’a pas de sens ne survit pas. Un mot dont le sens ne sert plus, ne survit pas. C’est le sens qui attache le mot à sa langue et le perpétue dans les bouches de ceux et celles qui à la fois l’utilisent et la transmettent. Une langue est donc à la fois une norme de code et une norme de sens. C’est dans les mots que réside le sens commun d’une culture, il n’y a rien de banal dans ce système, même si on ne s’y attarde que très peu. Il est justement très difficile de s’y attarder puisque dans la vie quotidienne, les deux entités semblent en être qu’une seule, en plus d’être la matière principale de notre raison. Et oui, nous pensons en mots!
La masse totale de sens par les mots des diverses langues est en déclinaison. Peu importe quelle découverte scientifique on fera, on ne saurait générer des mots à la vitesse dont ceux qui existaient auparavant disparaissent maintenant. Un dernier locuteur d’une langue ou d’un dialecte meurt toutes les deux semaines. Chaque fois, c’est un dictionnaire qu’on enterre. Un code qui disparaît, une masse de sens, aussi. Une forme de compréhension du monde qui, en quelque sorte, s’oublie. Il y a de moins en moins de sortes de codes (de langues) et en même temps, il y a consolidation de sous-codes spécialisés à l’intérieur d’une même langue (les jargons professionnels).
La cryptographie du rang social
Les hiéroglyphes égyptiens étaient volontairement complexes, on voulait les réserver à ceux qui avaient dédié une grande partie de leur vie à leur apprentissage puisqu’il donnait accès à une «caste» supérieure. Notre alphabet et notre langue écrite malgré de grands discours de démocratisation traînent toujours un peu de ce syndrome du scribe. En français, c’est la grammaire et l’orthographe moins que l’alphabet qui en sont les clés. Ce code écrit repose sur des normes dictées par des élites qui en prescrivent l’usage. Si la langue parlée reste en grande partie calquée sur la norme et l’usage populaire, l’écrit est de fonctionnement radicalement élitiste.
Les acronymes, c’est la deuxième couche, voire la troisième couche de code à l’intérieur d’une même langue. Les mots prennent dorénavant la forme d’une course à obstacles entre le sens et le code. Pour comprendre, il faut non seulement savoir l’écrire, avoir croisé le sens en sa forme complète d’abord, être à jour sur une nomenclature toujours changeante, mais l’avoir aussi retenu. Ce qui n’est pas simple lorsque le sens n’est pas là ou encore trop loin! Mon bon professeur Baillargeon parle du nombre magique de 7 plus ou moins 2, comme le nombre d’éléments capables d’être retenus par notre mémoire de travail sans être «chunkée» par le sens. Les choses simples se complexifient (le cours d’histoire devient : histoire et éducation à la citoyenneté); l’usage devient laborieux ; le raccourci (HEC) devient coutume et crée, de fait, un enclave opaque à qui n’y fut pas intronisé. Pire encore, HEC, veut aussi dire : Hautes Études Commerciales, et bien probablement d’autres choses aussi. Quelle maladie fatale à la conversation démocratique que cet isolement des expertises! Des normes pernicieuses deviennent coutumes et personne n’y pense plus qu’il ne le faut, alors qu’il devient de plus en plus difficile de se parler au travers des murs cryptés qu’on a érigés dans notre langue!
Je pose enfin deux questions pour conclure le tout, je sais le sujet incapable d’animer des foules et créer des débats, mais je les pose quand même : l’économie de temps de l’utilisation d’un acronyme vaut-elle l’exclusion à la conversation de tous ceux qui ne s’y sont pas spécifiquement intronisés? N’est-ce pas la même chose qu’un curé qui prêche en latin, devant un auditoire qui ne le parle pas pour ainsi s’assurer de ne jamais être contredit?
Bien amicalement,
Elisabeth Doyon finit présentement son baccalauréat en enseignement secondaire à l’UQAM.
Effectivement, comme un accident de voiture…
(Cet article est en réponse à un article à propos de la couverture par les médias des tueries dans les écoles)
J’aime bien la question que tu poses dans cet article, mais je la vois de façon plus radicale que ce que tu me présentes ici. Hannah Arendt disait que la tâche de la scolarisation est autant de protéger le monde contre les jeunes qui ne connaissent pas encore son fonctionnement, que de protéger les jeunes du monde, qui les dévoreraient sans plus de quartier.
Cet exercice d’obligation, de servitude pour son propre bien, est un des apprentissages que veut passer l’école. Il est volontaire et connu. Ils doivent comprendre que leurs libertés sont très fortement encadrées par celles des autres, plus grands, plus nombreux, plus puissants qu’eux. Ils vont constamment s’y frapper durant leur vie adulte. L’adolescence est un phénomène occidental; pour les anciens peuples, le passage de l’enfance à l’adulte est une affaire d’une journée ou une semaine, souvent associé à un rituel ou l’accomplissement d’une tâche spécifique en lien avec son rôle dans l’économie locale. La crise d’adolescence est une construction culturelle comme l’école qui l’encadre, ses traumatismes en sont aussi les créations.
Apprendre à réfléchir et à choisir pour soi-même est un exercice long, difficile, jamais complet et épuisant en quelque sorte. Les enfants auront inévitablement à apprendre que leur volonté n’est pas la seule chose qui peut conduire à l’action ni en décider. Ils ont aussi la connaissance que l’objectif n’est pas l’école en soi, mais bien l’intégration du monde. Un monde ou la liberté n’est possible que lorsqu’on connaît ce monde. Lorsqu’on sait quelle action produira quelle conséquence, quelles forces nous sont accessibles, lesquelles ne le sont pas. La liberté n’existe en tant qu’illusion dans la tête de l’ignare, et sans savoir, il est impossible de savoir ce qui doit être su! Tous et toutes pour espérer à la liberté de pensée devront d’abord apprendre, même lorsqu’on n’y voit pas l’intérêt. La démocratie est impossible sans la liberté de pensée, le jugement impossible sans son exercice assidu et la réflexion impossible sans matériaux déjà connus et compris.
Je crois que ce n’est pas tant l’école qui se trouve à être le problème quant aux tueries dans les écoles, mais bien le monde qu’elle essaie d’inculquer à nos jeunes, un monde passablement injustifiable, inintelligible, contradictoire et, selon le courant présent, bien peu durable. Lorsque la lumière au bout du tunnel ressemble à un précipice, quelle envie aurait-on de s’y lancer?
Sans oublier que nos pensées nous sont à peine dociles. Il faut un entraînement rigoureux pour mettre au silence la voix qui nous parle constamment dans notre propre tête. C’est une norme, non une maladie mentale. Son contrôle est possible, mais difficile. Son utilisation hasardeuse, bien entendu. «Vous pouvez garder le silence (difficilement). Tout ce que vous direz (dans votre tête) pourra être retenu contre vous!» Surtout sans une éducation de la raison et de la logique pour arriver à réfléchir ses matériaux de savoirs qu’on nous force à apprendre. L’école n’a pas inclus dans son curriculum l’exercice de sa maîtrise, à proprement parlé. Les mécanismes de la raison et du raisonnement sont assez connues, plutôt faciles à vulgariser et ils sont en fait parmi les plus vieux contenus de la scolarité hérités des Grecs. La raison s’instruit. Ma question est : pourquoi ne le faisons-nous pas?
Élisabeth Doyon finit présentement son baccalauréat en enseignement secondaire à l’UQAM.
Une première visite dans une école démocratique (1ère partie)
Dans un local comprenant trois grandes salles se trouvent une cuisine, quelques divans, quelques tables rondes, des ordinateurs, une glissade pour enfants, plusieurs livres et une petite cabane. Dans cet espace, on retrouve une vingtaine d’enfants et d’adolescent(e)s âgé(e)s entre 3 et 16 ans en plus de trois adultes. Un certain nombre d’entre eux sont très concentrés dans différents jeux, quelques-uns sont à lire assis dans les divans alors que d’autres complètent des recherches sur des ordinateurs. Nous sommes en 2009 lors de ma première visite d’une école démocratique canadienne. À cet endroit, il n’y a ni pupitre en rangées ni tableau vert. Pour y entrer, un visiteur doit appuyer sur la sonnette à l’entrée. J’y suis accueilli par une des trois adultes, Kate (pseudonyme), une enseignante qui préfère être considérée comme une guide. Bien qu’avant de me rendre dans cette école démocratique, j’avais eu le chance de lire abondamment sur ce type d’école et que j’étais informé que, dans ces écoles, les jeunes étaient libres de suivre leurs passions, qu’ils pouvaient choisir s’ils allaient en classe, en remarquant la glissade intérieure et l’aire de jeux, et en voyant le petit nombre d’élèves, je me dis que cet endroit s’apparentait davantage à une garderie qu’à une école. Il ne suffit que quelques heures pour me faire changer complètement d’avis. En effet, plusieurs aspects de cette école m’ont fait repenser à diverses idées préconçues en lien avec ce à quoi un milieu d’apprentissage devrait ressembler.
En entrant, Kate me fit faire le tour très rapide de ce petit espace tout en m’informant du déroulement d’une journée typique. Voulant pouvoir l’aider avec les jeunes pour la remercier de me permettre de passer la journée avec eux, j’offris d’aller ouvrir la porte de l’école lorsque j’entendis la sonnette. Kate m’informa que je ne pouvais pas répondre à la porte, car je n’étais pas certifié. Sans poser de question, je l’ai laissé aller ouvrir la porte. Un peu plus tard, j’entendis le téléphone sonné et remarquant que personne semblait en mesure de pouvoir y répondre, j’offris d’y répondre pour prendre le message afin de les dépanner, mais, encore là, Kate m’informa que je ne pouvais pas car je n’étais pas certifié. Confus, je lui demandai ce qu’être certifié signifiait voulant pouvoir donner un léger coup de main. Sa réponse changea pour toujours comment mon rapport à l’âge des gens, et surtout, à celui des enfants. En effet, Kate m’informa que dans cette école, il s’assurait de ne pas discriminer en fonction de l’âge. Cela impliquait, par exemple, que si l’un d’entre eux voulait utiliser le four, il devait au préalable avoir démontré à deux personnes certifiées pour l’utilisation du four, et ce, peu importe leur âge, qu’il était compétent pour utiliser le four en fonction des règles d’utilisation de cet appareil. Pour illustrer le système de certification, elle m’indiqua qu’elle-même, âgée d’une quarantaine d’années, n’avait pas le droit d’utiliser la perceuse électrique de l’école, n’étant pas certifiée pour cet outil, alors que certains jeunes âgés de 13 ans possédaient cette certification. L’inverse était également vrai par rapport à d’autres appareils de l’école. Kate était certifiée pour utiliser les ordinateurs, alors que certains jeunes n’avaient pas encore obtenu cette certification. Ce faisant, si vous appelez à cette école, ne soyez pas surpris d’entendre la voix d’un enfant vous répondre, car nul besoin d’avoir un certain âge pour répondre au nom de tous dans cette école, il ne suffit que d’avoir la certification. C’est d’ailleurs ce qui m’est arrivé à plusieurs reprises lorsque je les ai contactés pour effectuer cette visite.
Un autre aspect de l’école qui m’a rapidement marqué fut leurs assemblées démocratiques, mais surtout l’engagement de jeunes dans celles-ci. En effet, au cours de ma visite, j’ai pu assister à deux de leurs assemblées démocratiques. Bien que la plupart du temps, ces assemblées ont surtout pour fonction de permettre à la communauté de prendre des décisions (au cours desquelles chaque jeune et chaque adulte ont un vote de valeur égale pour chaque décision) à propos des règles de l’école et des activités de l’école, l’assemblée à laquelle j’ai assisté a vite porté sur un sujet beaucoup plus abstrait. Trois adultes, dont un parent, et quelques jeunes âgés entre 12 et 15 ans y participaient. Le premier sujet abordé eut trait aux tâches ménagères de chacun à la fin de chaque jour d’école car, en effet, le nettoyage de l’école est l’affaire de tous à cette école, ce qui inclut évidemment les élèves. Une décision fut rapidement prise à ce sujet. C’est concernant le deuxième sujet que le débat dans l’assemblée passa à un autre niveau. La discussion dura en tout au moins 45 minutes et la majorité des participants prirent la parole plus d’une fois. Le sujet de la discussion cette fois-ci portait non pas sur les règles de l’école, mais sur le fonctionnement des leurs assemblées démocratiques. La question débattue était: devait-on obtenir un consensus pour prendre une décision à l’école ou une majorité des participants devrait-elle suffire? Jusque-là, l’assemblée devait obligatoirement obtenir un consensus pour adopter une résolution. Certains craignaient que cette approche ne permettait pas de faire avancer les choses facilement. Après une longue discussion à propos des pours et de contres de la proposition, l’assemblée procéda à un vote. Évidemment, pour adopter une approche qui ne nécessiterait que la majorité des votes pour prendre une décision, l’assemblée dut obtenir un consensus sur le sujet, ce qui finit par se produire. Constater l’implication d’adolescent(e)s si jeunes par rapport à une question aussi abstraite, mais aussi significative pour un fonctionnement démocratique fut un des éléments qui m’a convaincu que je ne me trouvais définitivement pas dans une garderie, mais dans un milieu scolaire ouvrant la porte à nombre de possibilités pédagogiques.
Chaque école devrait-elle avoir ce genre d’assemblées et un programme de certification de compétence relatif à l’utilisation de différents outils ou l’accomplissement de certaines tâches? Peut-être pas. Par contre, que des écoles puissent avoir le droit d’instaurer des assemblées démocratiques ayant un pouvoir de décision sur autant d’aspects d’une vie scolaire ou avoir ce genre de programmes de certification pourraient permettre d’augmenter la diversité des options scolaires offertes tant aux élèves, aux parents qu’aux enseignant(e)s, et, par le fait-même, enrayer une partie du décrochage scolaire. (La 2e partie de cet article sera bientôt sur le blog)
Par Marc-Alexandre Prud’homme. Il est le fondateur du RÉDAQ. Il enseigne à temps partiel à Compass à Ottawa et travaille comme chargé de cours à l’UQAC.
À qui appartient le présent?
Que vaut le présent si on pense toujours au futur?
Que vaut le futur si on ne vit jamais au présent?
L’arnaqueur de temps m’a arnaqué
Avec des contrôles de qualité
Qui voulait s’assurer que je valais
Ce qu’il voulait
L’arracheur de temps m’en a arraché
Avec une programmation insipide
Qui voulait s’assurer que je marchais
Là où il voulait
L’hypothéqueur de temps m’en a hypothéqué
Avec ses arguments d’investissement
Qui voulait s’assurer que je buchais
Sur l’arbre qui voulait
Suis-je ce qu’il veut;
Suis-je ce que j’aime?
Suis-je lui;
Suis-je moi?
À 15h pour annoncer la fin du shift
Sonne-moi pour qu’on réinvente le monde
Sonne-moi d’un coup de pendule
Pour me réveiller
Me réveiller juste à temps
Pour que je change ma programmation
Pour que je délaisse les contrôles de qualité
Pour que je renverse mon hypothèque
Faudrait que je me réveille
Avant de m’endormir pour de bon
Avant de manquer le son de la cloche
Avant de manquer la fin du shift
Avant de vivre éternellement dans le futur
Joël Godin est un étudiant au baccalauréat en enseignement préscolaire et primaire à l’université de Sherbrooke. Il s’intéresse à l’éducation et toutes les sphères connexes.
Une réponse du RÉPAQ à 30 vies
Voici la réponse du Réseau des écoles publiques alternatives du Québec à l’émission 30 vies
École alternative : 30 vies, ce n’est pas la vraie vie!
L’école dite « alternative » de la série 30 vies, de Fabienne Larouche, diffusée 4 soirs par semaine à la télévision de Radio-Canada, n’a jusqu’à maintenant rien à voir avec ce que sont les écoles publiques alternatives du Québec.
« C’est de la fiction », rétorquera-t-on à juste titre. Peut-être… Mais les œuvres de Fabienne Larouche, et particulièrement celles touchant à l’école, sont réputées pour leur réalisme; pour leur approche sensible de problématiques bien réelles. L’auteure a d’ailleurs été interrogée pour le recueil « De quoi le Québec a-t-il besoin en éducation », publié sous la direction de Jean Barbe, Marie-France Bazzo et Vincent Marisal (Leméac, 2012). C’est dire si sa crédibilité est établie quand il est question d’éducation.
Aussi, plusieurs pourraient être tentés d’assimiler ce qu’est réellement une école alternative à l’école de 30 vies, qui ressemble à une secte régentée par un directeur-gourou, incarné par Rémi Girard manipulateur. Évidemment, il n’en est rien!
Les écoles que l’on nomme alternatives, au Québec, sont des écoles publiques régies par la Loi sur l’instruction publique. On compte actuellement 32 écoles publiques alternatives, accueillant plus de 6 000 élèves du primaire et du secondaire. Elles célèbrent cette année leurs 40 ans d’existence. La première école alternative, l’école alternative Jonathan, dans l’arrondissement Saint-Laurent à Montréal, a été créée en 1974.
Les écoles publiques alternatives pratiquent une pédagogie différenciée, centrée sur l’élève, sur ses besoins et sur le respect de son rythme, dans un contexte multiâge et avec la participation active des parents, présents et impliqués dans l’école. Ceux-ci sont des coéducateurs et des cogestionnaires. Ils interviennent en classe, en collaboration avec l’enseignant, et s’impliquent dans l’organisation de l’école, de toute sorte de façons.
Afin que toutes les interventions soient cohérentes et pour être en mesure d’accompagner adéquatement tous les élèves, les enseignants travaillent en toute collégialité.
Accompagné de l’adulte, l’élève bâtit ses apprentissages et son autonomie. Il fait ses choix, assume ses responsabilités, gère son temps, organise son travail et s’autoévalue. Il s’engage résolument dans son éducation et a de l’influence sur son environnement scolaire. L’enseignant s’assure d’intégrer le développement des connaissances académiques au projet que l’élève a choisi de mettre en œuvre. On est loin de la secte!
Ainsi, équipes-école, parents, élèves, les acteurs de l’école alternative forment une communauté, dont l’objectif est la réussite globale de l’élève. Elle outille l’élève pour qu’il devienne un citoyen autonome, critique, responsable et engagé. Cette manière de concevoir l’éducation connaît une popularité croissante. Initiatives de parents, dix écoles alternatives sont actuellement en processus de création au Québec. Ces dernières contribuent à offrir un véritable choix aux familles en matière de modèle pédagogique; un choix d’école publique en lien avec leurs valeurs.
Et, madame Larouche, non, être élève dans une école alternative ne signifie pas y dormir, y manger, y vivre en dehors des heures de classe!
Les signataires, Marie-Josée Blanchette, Julie Brosseau, Pierre Chénier, Monique Fournier, Bronja Hildgen, Géraldine Jacquart, Geneviève Tremblay, Dominique Voyer, sont des directions, enseignants et parents membres du conseil d’administration du Réseau des écoles publiques alternatives du Québec (RÉPAQ)
Une autre journée, une autre fusillade dans une école
En 1999, lors de la fusillade à Colombine High School au Colorado, je n’avais que 14 ans. J’étais au secondaire comme les élèves qui venaient d’être brutalement tués. Confronté à l’idée qu’un ou des adolescents pouvaient se présenter dans leur école et tuer des dizaines de leurs camarades de classe, je ne savais pas quoi penser. J’étais horrifié, je me sentais dépourvu. Je pouvais comprendre que des jeunes soient frustrés d’aller à l’école jour après jour, surtout s’ils étaient humiliés, intimidés, insultés et rejetés par leurs camarades de classe, ayant été moi-même impliqué malheureusement dans ce genre de dynamique entre élèves tant comme intimidé qu’intimidateur, à cette époque. Cependant, je ne pouvais m’expliquer un tel bain de sang.
Depuis le début de l’année 2014, j’ai pu jusqu’ici recenser 6 fusillades ou événements similaires dans des établissements scolaires américains et canadiens. En tout début d’année, un enfant de 12 ans a tiré sur deux de ses camarades au Nouveau-Mexique. Puis, la même chose s’est produite dans une école à Philadelphie, et encore dans deux universités américaines et un collège canadien. Finalement, le 27 janvier un jeune adolescent s’est immolé dans la cafétéria de son école secondaire au Colorado. Je répète, il s’est immolé.
Bien que le phénomène des fusillades n’ait pas touché le Québec et d’autres régions francophones aussi fortement que les États-Unis depuis la tragédie du Collège Dawson à Montréal, je crois qu’il est impératif de discuter du sujet, tenant compte du nombre croissant de menaces de morts profanées à l’endroit d’élèves et d’enseignant(e)s dans les écoles au cours des dernières années (par exemple, à l’école secondaire Le Sommet l’an dernier).
La raison pour laquelle j’ai choisi d’intituler cet article “Une autre journée, une autre fusillade dans une école” est que le sujet semble avoir désormais autant de couverture médiatique que les accidents d’autos. Il semble être devenu banal. Pourtant, je crois plus que jamais qu’il est crucial que nous nous questionnons. Pourquoi, pour certains, tuer des camarades de classe devient une option à considérer? Ou encore de s’immoler à l’école? Que signifient ces gestes, en particulier le choix du lieu de ce geste? En effet, ces fusillades ne semblent jamais avoir lieu dans des camps d’été. Le choix de l’école comme lieu de la fusillade m’apparaît suggérer qu’il s’agit d’un lieu où la personne commettant la tuerie vivait beaucoup de frustration, de tristesse ou d’isolement. Afin d’expliquer ces horribles actions, plusieurs commentateurs traitent les fusillades comme des gestes isolés commis par des adolescents schizophrènes ou tout simplement fous, ou comme des gestes qui auraient pu être prévenus si nous avions investi davantage dans la santé mentale. Ces explications sont-elles suffisantes pour donner du sens à ces violentes tragédies? Le problème est-il plus complexe que le simple désespoir d’un tireur fou?
Un des principes des écoles démocratiques, qui justifie la liberté octroyée aux élèves dans ces écoles, est que lorsque quelqu’un est obligé d’effectuer une tâche sans qu’il ait offert son consentement, cette personne doit refouler sa frustration ou sa tristesse d’une manière ou d’une autre, surtout si cette situation est répétitive. Ces émotions refoulées refont éventuellement surface. Afin de gérer ces émotions, certains vont pratiquer l’automutilation (une pratique qui a malheureusement beaucoup de popularité chez nos jeunes), alors que d’autres vont choisir de s’en prendre à leur environnement ou à des personnes les entourant. Or, bien que beaucoup de jeunes soient contents de fréquenter des écoles traditionnelles, plusieurs d’entre eux vont à l’école, participent à des cours qu’ils n’ont très souvent pas choisis. Ils se rendent dans un endroit où ils sont parfois victimes d’intimidation, avec des enseignant(e)s qu’ils n’ont pas choisis, donc contre leur gré. Ceci, 180 jours par année jusqu’à l’âge de 16 ans. Comment vous sentiriez-vous si quelqu’un décidait à votre place, sans votre consentement, ce que vous allez faire de vos journées pendant six heures par jour, 180 jours par année? Je sais que, pour ma part, je risquerais d’emmagasiner beaucoup de frustration. Il est évident que ce genre d’accumulation de frustration ne soit pas suffisant pour expliquer les fusillades dans les écoles. Toutefois, je suis persuadé qu’il s’agit d’une piste viable à explorer afin de rendre les expériences d’apprentissage de nos jeunes plus saines.
Ce faisant, non seulement j’ai de la difficulté à croire qu’un élève voudrait s’en prendre à la vie de ses camarades ou s’immoler, dans un contexte d’apprentissage où il a son mot à dire sur le fonctionnement de l’école, sur ce qu’il apprend, sur quand il apprend et avec qui il apprend… comme dans une école démocratique, mais je suis persuadé qu’un tel milieu pourra contribuer à le rendre plus heureux en général. Évidemment, quelques heures après que j’aie eu fini d’écrire une version finale de cette article, une autre fusillade dans une école a eu lieu. Cette fois-ci, la fusillade eut lieu dans une école de Moscou. Un adolescent a tué un enseignant et un officier de police en plus d’avoir gardé en otage une vingtaine d’élèves pendant un certain nombre d’heures. Cette tuerie semble avoir eu une plus grande couverture médiatique que les autres. Par contre, encore une fois, le discours dans les médias tels que CBC et CNN n’était pas à savoir qu’elle était la cause d’un tel événement ou comment créer des milieux d’apprentissage dans lesquels les jeunes pourraient mieux avoir leurs besoins satisfaits ou quel message de désespoir l’enfant souhaitait communiquer, mais plutôt à savoir qu’est-ce que cette fusillade signifie pour la sécurité aux Jeux olympiques.
Par Marc-Alexandre Prud’homme. Il est le fondateur du RÉDAQ. Il enseigne à temps partiel à Compass à Ottawa et travaille comme chargé de cours à l’UQAC.
Conservatisme scolaire
Je profite de ce blogue ouvert pour émettre une réflexion qui culmine en moi-même ces derniers temps. Cette réflexion que je pose comme une affirmation est la suivante : l’École est un milieu conservateur. Est-ce positif, est-ce négatif? Qui sait? À qui la faute (dans le cas où vous pensez dans le même sens que moi)? Est-ce la faute des parents, du gouvernement, des enseignants, des enfants ou de toutes ces personnes? Qui sait? Étant donné la multitude de réponses possibles, je souhaite éclaircir la raison pour laquelle le gouvernement joue un rôle important dans le conservatisme scolaire.
Par le biais des programmes le gouvernement soumet les enseignants à des contraintes d’apprentissage qui permettent très peu l’expérimentation pédagogique. Ces programmes guident et dictent presque les styles éducatifs à utiliser. Les pédagogies centrées sur les enfants y perdent leur place, elles sont écrasées par ces lourdeurs bureaucratiques. Je doute de cette structure pyramidale, je crois qu’elle est nuisible à la diversité éducationnelle. Les enseignants peuvent difficilement sortir des cordes du programme et n’ont pratiquement pas d’influence sur les décisions prises par le gouvernement concernant l’éducation.
Dans l’idée de diversité, je trouve qu’il y a un parallèle intéressant à faire avec le secteur artistique qui a connu un éclatement des styles il y a plusieurs années. L’art contemporain se permet des folies qui n’affectent point, à mon avis, sa qualité. Pourrions-nous transporter cette idée d’éclatement des styles à l’éducation? De cela naitrait une diversité scolaire étonnante, une éducation contemporaine.
Joël Godin est un étudiant au baccalauréat en enseignement préscolaire et primaire à l’université de Sherbrooke. Il s’intéresse à l’éducation et toutes les sphères connexes.
La démocratie à l’école
Michael a 12 ans. Ce vendredi matin, il veut faire cuire du pain. En se rendant dans la cuisine, il constate que plusieurs assiettes et ustensiles sales ont été laissées sur le comptoir et que des aliments sont pourris depuis plusieurs jours dans le réfrigérateur. Frustré de l’état de la cuisine, il en discute avec certains de ses amis avant de décider de soulever le point lors de la prochaine assemblée. Au cours de cette assemblée, il demande à ce que la communauté s’accorde sur un règlement relatif à l’entretien de la cuisine. Un débat suit. Certains mentionnent que l’état de la cuisine demeure convenable en général. D’autres disent le contraire. Mia, 13 ans, présidente de l’assemblée, doit rappeler certains à l’ordre. Après que tous eurent la chance de partager leur opinion sur le sujet, un premier vote eut lieu et détermina que la communauté considérait en majorité que l’état de la cuisine était problématique. S’en suivirent un autre échange et un deuxième vote qui établit un règlement pour le nettoyage de la cuisine.
Mia et Michael fréquentent une des six écoles démocratiques canadiennes avec une trentaine d’autres élèves âgés entre 11 et 15 ans. Dans ce type d’écoles, les jeunes ne sont pas divisés en niveaux, il n’y a pas de cloches ou d’heures de diner et les jeunes peuvent décider s’ils vont en classe ou pas et dans quelles classes ils vont. Pourquoi toute cette liberté ? Qu’est-ce qu’une démocratie sans liberté ? Dans le cadre de cette école, la discipline et l’ordre sont décidés au cours d’assemblées démocratiques lors desquelles tant les adultes que les jeunes ont chacun un vote égal pour chaque décision à prendre. Pendant ces assemblées, ils décident également des activités de l’école et de la résolution de conflits. Au cours de l’année, les assemblées de l’école de Michael et de Mia ont discuté et débattu de problématiques telles que l’accueil d’animaux domestiques dans l’école, l’utilisation des ordinateurs, et une levée de fonds pour venir en aide à Haïti.
Que font les jeunes de leurs journées dans ce genre d’école ? Pour ce qui est de Michael, lorsqu’il n’est pas à une assemblée ou dans la cuisine, il aime lire des livres de philosophie, jouer aux échecs et assister aux cours de langues, de sciences et d’éducation physique. Quant à Mia, elle aime également assister aux cours de langues, elle aime parler avec ces amis et avec les enseignants, et elle aime lire des romans et participer aux cours de musique.
Les écoles démocratiques offrent une façon unique d’enseigner la citoyenneté et la démocratie dans un contexte où les jeunes peuvent être engagés dans des processus démocratiques. Au cours de débats lors desquels les élèves bénéficient de leur liberté d’expression, ils peuvent développer leur esprit critique. Par ailleurs, non seulement cet environnement les prépare à une future participation citoyenne, il leur permet déjà d’être inclus dans l’espace démocratique.
Au cours d’une recherche académique, nombre d’élèves de l’école de Michael et de Mia ont affirmé, que lors de leurs premières assemblées, ils étaient trop gênés pour prendre la parole et qu’ils ont rapidement développé la confiance pour partager leur opinion à tous et pour ajouter des points de discussion à l’agenda des assemblées. La plupart ont également mentionné que, lors des premières assemblées, ils votaient comme leurs amis et désormais, ils votaient pour ce qu’ils croyaient être justes et adéquats. Certaines de ces écoles accordent tellement d’importance à la citoyenneté que la seule condition pour obtenir un diplôme est qu’un élève puisse défendre une thèse devant toute leur communauté ; qu’il explique pourquoi il/elle pense être prêt/e à être un/e citoyen/ne responsable.
Des écoles démocratiques pourraient être une voie à explorer pour solidifier l’état de la démocratie au Québec et pour introduire les jeunes aux rudiments de cette forme d’association collective. Les opposants à ce genre d’écoles diront que les enfants sont trop jeunes pour prendre des décisions qui affectent leur école ou qu’ils ne sont pas assez responsables pour décider d’aller en classe ou pas. Or, comment responsabiliser les jeunes sans leur donner ce type de responsabilités inhérentes au bon fonctionnement d’une démocratie ?
Marc-Alexandre Prud’homme est le fondateur du RÉDAQ. Il enseigne à temps partiel à Compass à Ottawa et travaille comme chargé de cours à l’UQAC.